lundi 17 mai 2010

Ce que je sais des bonzes.


(Je voulais vous mettre mes propres photos, mais pour une raison obscure, Blogger refuse de les charger. J'en suis toute marrie.)




A chaque fois que j'en voyais, ils me rendaient de bonne humeur. Je m'extasiais à tous les coups sur leurs associations de couleurs: l'orange fanta de leurs robes élégantes, le jaune citron de leurs ceintures, le bleu outremer de leurs sacs en toile, le safran de leurs parapluies. Un ensemble que je ne renierais pas pour le printemps-été 2010 (si toutefois une telle chose existait).

Les bonzes sont intimement liés à la vie de la communauté. Les moines ne mangent que ce qu'on leur donne: on les voit donc tous les jours au moment de l'aumône. Vers 7 heures du matin, ils arrivent en file dans les villages pour recueillir dans leurs paniers la nourriture que les gens leur offrent - souvent du riz gluant, des fruits, des gâteaux. Plus tard dans la journée, des femmes leur apportent des plats cuisinés, comme des légumes, de la viande. Lors de cérémonies, ils ont droit à de petites délicatesses, comme du coca, des barres de chocolat, des clopes.
A ma plus grande horreur, j'ai appris qu'ils ne pouvaient manger que deux fois par jour: très tôt le matin et en fin de matinée. Après midi, ils n'ont que le droit de boire. A ce qu'il parait, c'est la contrainte la plus dure à supporter.

Lors de l'aumône, ils en profitent pour discuter avec les gens. Avant, je percevais ce moment comme très silencieux et froid, où les gens se tiennent roides, solennels, et murmurent des prières. Et si c'est bien la théorie, ça ne se passe pas du tout comme ça : ils prennent des nouvelles des uns et des autres, se tiennent informés de ce qu'il se passe dans la vie du village. C'est un moment très chaleureux et convivial.
(En fait, si j'écris cet article aujourd'hui, c'est parce que j'ai eu ma génitrice (restée au Laos) au téléphone pas plus tard que ce matin, qui m'a dit que les moines avaient demandé de mes nouvelles. Cet article est donc un grand cri d'amour.)

On m'a raconté une anecdote très touchante. Il y a quelques années, ma grand-mère a été très malade, devait subir une opération et avait donc cessé de faire l'aumône. Quand les moines l'ont appris, une dizaine d'entre eux se sont rendus à l'hôpital pour lui proposer leur sang (au Laos, comme il n'y a pas de don de sang, les gens sont obligés de faire appel à leurs proches lors d'opérations). Je ne sais pas s'ils étaient encore bien vaillants après coup (ils ne mangent que le matin je vous rappelle), mais j'ai trouvé ça très beau.

Les moines appartiennent véritablement au village, au sens où chaque famille est tenue d'envoyer un fils au monastère, car la croyance veut que c'est le fils en question qui pourra la guider au paradis. Tout le monde a donc un frère, un oncle, un cousin bonze. Seulement, à la différence de l'Occident, on ne s'engage pas dans la vie monastique à vie. On peut si on le souhaite, mais on peut très bien ne rester que trois jours, une semaine, quelques mois, quelques années.
Si pratiquer l'aumône n'est pas tout à fait désintéressé (car il paraîtrait que c'est ainsi que l'on gagne le paradis), on peut tout à fait imaginer que ces bonzes sont nourris en tant qu'enfants du village.

Il n'y a pas que la foi qui peut pousser à devenir bonze. Beaucoup d'adolescents le sont quelques années pour pouvoir faire des études, car ils ont le gîte et le couvert gratuit. Les moines sont souvent très instruits: à part l'étude des textes sacrés, un certain nombre maîtrise les langues occidentales, et à ma grande surprise, ils sont beaucoup à apprendre l'informatique. En parlant de technologie, j'ai complètement halluciné d'en voir utiliser des portables, des game boy. J'ai même entendu un petit moinillon dire "Oh la salooooope" au téléphone, et je ne m'en suis pas remise. Mes petits préjugés d'occidentale et de laïque en ont pris un sacré coup.

Je connais aussi un moine qui prend la vie monastique comme cure de désintoxication. En effet, il est alcoolique, donc sa famille l'a forcé à intégrer le temple. On le soupçonne de toujours avoir un faible pour la bouteille.

Si j'ai déjà entendu des bonzes taquiner des filles, en principe une femme n'a pas le droit de les toucher. Si elle a un truc à donner à un moine, il faut qu'elle le pose à un endroit et il le ramasse, ou alors elle le transmet à un homme, qui lui peut le transmettre au moine. Le seul moment de l'année où une femme peut toucher un moine, c'est lors du Nouvel An laotien, véritable carnaval. Moi j'ai pas osé: j'ai eu trop peur de tomber foudroyée.

Il existe également des femmes moines, mais elles sont beaucoup moins nombreuses. Leur vie est généralement plus austère que celle des hommes. J'ai entendu dire que les femmes moines sont des femmes qui ont tout perdu, qui n'attendent plus rien de la vie et qui choisissent de s'en abstraire dans la méditation. On a ce sentiment rien qu'en les voyant: elles portent une robe blanche, couleur du deuil - rien à voir avec les orange et safran éclatants qu'arborent les hommes.

Lors des cérémonies religieuses, ce ne sont pas les gens qui vont au temple, mais ce sont les moines qui se déplacent et se rendent dans les maisons. Inversement, les temples sont très ouverts à tous, tous les jours. Les gens s'y rendent pour prier, se recueillir, dire bonjour à leurs morts. J'ai été étonnée de voir comme ils accueillent les étrangers. Tout le monde est le bienvenu, personne ne te pose de questions sur ta foi : si tu es là, tu es là.

J'aime cette religion moderne, tolérante, qui est véritablement paix, échange et réconfort. Ca peut sembler un cliché, mais ce que j'ai vu du bouddhisme force mon admiration et mon respect.

4 commentaires:

  1. C'est effectivement très beau.
    Merci de partager tout ça :)

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  2. Un bien joli billet! Et très instructif! Merci pour cette découverte!

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  3. C'est très intéressant de découvrir quelques particularités de cette religion, et certaines croyances sont très belles.
    Même s'il ne reste que quelques jours, le bonze en saura suffisamment pour guider sa famille au paradis ?

    Et je rejoins Ofelia, merci de partager ça avec nous, c'est tellement joli...! :-)

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  4. * Merci les filles! Ca me fait super plaisir que ça vous intéresse!
    Erzébeth, oui j'ai l'impression que ça marche comme ça. Homme sacré un jour, homme sacré toujours! :)

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