lundi 21 juin 2010

Kick Ass - Matthew Vaughn - 2010


WARNING: Ne faites pas comme moi : ne croyez pas l’affiche. ELLE MENT. Par contre fiez vous à la petite affichette aux caisses qui vous prévient que ce film peut comporter des scènes violentes susceptibles de heurter la sensibilité du spectateur. ELLE DIT VRAI.


Je pensais vraiment aller voir une daube. L’affiche annonce la daube, la bande annonce est en plein dans la daube, le pitch se meut dans la daube.

Je suis comme ça moi : je n’aime pas lire de mauvais livres, mais ça ne me dérange pas de regarder des films un peu nuls en sachant que c’est un peu nul, tant que je rigole bien. Après tout, ça prend max deux heures.


Ca commence comme un film d’ados normal: la bande de loosers puceaux férus de comics, qui n’arrivent pas à pécho les filles, et qui évacuent leur frustration dans leurs chaussettes. On est en terrain connu: c’est Superbad, c’est les Beaux gosses, c’est American Pie.



Voyez le genre?


Seulement Dave a une obsession: devenir un superhéros. Et il ne se contente pas d’en fantasmer: il passe commande d’une tenue de plongée sur internet, en fait son costume, et s’attribue un nouveau nom: Kick-Ass. Il décide alors d’aller combattre le crime dans les rues de New York. Mais non seulement il ressemble davantage à un batracien qu’à Spiderman, mais il se heurte contre la dure réalité: au lieu de kicker des ass, il se fait kick-asser. Il réussit tout de même à attirer l’attention, de tout New York certes, mais aussi de super héros un peu plus crédibles que lui: Big Daddy, Hit Girl et Red Mist.



A gauche Big - Nicolas Cage - Daddy, comme l'indiquent les initiales sur le ceinturon. A gauche Hit Girl. (comme l'indiquent les initiales.)(toujours sur le ceinturon, oui oui)


Red Mist et son look d'emo


Kick-Ass propose une réflexion très intéressante sur l’héroïsme. Dave n’est pas doté de super pouvoirs, il n’a pas été piqué par une araignée, il ne maîtrise pas les arts martiaux, il n’a pas de gadgets, il n’a même pas de parents ou de petite amie à venger. Il est normal: pas très beau, pas repoussant non plus, pas brillant, pas demeuré non plus. Il veut juste aider les gens, pas forcément des millions, juste des individus, un à un. Et dans cette modeste volonté de soulager les maux de sa ville, il est extrêmement touchant car il s’accroche à ses principes, même s’il se fait tabasser, même s’il est mort de trouille, même s’il a l’air ridicule dans son costume. On rit de lui, mais on ne peut s’empêcher de l’admirer quand il essaie de retrouver le chat perdu d’une annonce, quand il tente d’empêcher deux caïds de voler une voiture. Si les autres «super héros» du film ressemblent davantage que lui à ceux des comics, par leurs histoires, par leurs gadgets, par leurs techniques de combat, c’est lui le véritable héros du film.



Ce film interroge également le rôle des témoins d’une agression, et nous prend nous spectateurs à partie. Il y a cette scène extraordinaire, où Dave défend un pauvre mec des attaques de trois costauds et où il prend très cher, pendant que des témoins le regardent faire à l’abri d’une vitre, et enregistrent tout sur leurs téléphones. On se dit: il est fou, il va finir déchiqueté. Et c’est exactement la remarque que lui fait un des agresseurs. Dave a cette réplique très forte (je restitue à peu près): «Tu dis que je suis fou, alors que ce mec se fait agresser par vous trois, pendant que tous ces gens regardent sans rien faire? Et c’est moi qui serait fou?» Et là on se rend compte qu’il s’adresse également à nous spectateurs, aussi planqués derrière notre écran.


Kick-Ass réfléchit aussi sur l’importance des médias, d’Internet, des vidéos. Plusieurs scènes de grande violence sont filmées par des personnages, envoyées sur Youtube, et visionnées à grande échelle. Les gens sont devant ces vidéos comme devant un film, la réalité devient fiction, et l’extrême violence ne les choque plus, alors qu’elle est présentée comme réelle. Il y a cette scène incroyable d’une exécution filmée (spéciale dédicace Al Quaida) et reproduite à la télévision en direct : on voit alors la réaction des différents personnages, qui est presque systématiquement un mélange très gênant d’horreur et d’excitation. Et le pire, c’est qu’on se dit que c’est très vrai et très humain.


Kick-Ass se révèle un film de super héros ultra violent, façon Tarantino. Seulement là où une certaine esthétique demeure chez Tarantino, là où on sait que les super héros ne meurent pas dans les comics, ici une certaine laideur persiste, ici on n’est jamais sûr du destin des personnages. Le ridicule des costumes rappelle que Big Daddy, Hit Girl, Kick-Ass, Red Mist ne sont pas des superhéros. Big Daddy a un costume de Batman absurde ; son Robin, Hit Girl, a une perruque synthétique affreuse ; Red Mist ressemble à un membre de Kiss et Kick-Ass.. ben c’est Kick-Ass. Et puis leurs noms ne sont pas des noms, ce sont des blagues. Mais du coup leur ridicule nous rappelle sans cesse à une certaine réalité qui est censée être la nôtre, et l’on ressent d’autant plus la violence des coups assenés. On ne sait jamais trop à quoi s’attendre: on tente de se rassurer en se disant que Dave ne peut pas mourir, puisque c’est lui le narrateur. Mais là encore il s’adresse à nous: «Ne vous tranquillisez pas en pensant que je ne meurs pas, puisque je vous parle. Vous avez déjà vu American Beauty? Sunset Boulevard?» Gloups.


Donc bien sûr que Kick Ass est un film drôle. Le titre ne ment pas complètement. C’est très drôle même, et irrévérencieux. Il y a quelque chose d’assez insolent de voir ces adolescents, ces enfants presque, mêlés à une telle violence. Et la petite fille dit des gros mots aussi.

Mais il y a une noirceur, une dimension tragique, une violence, une émotion indéniables. S’il commence de manière un peu molle, il prend beaucoup de rythme dès l’arrivée des autres super héros, et ne faiblit pas. Je suis restée accrochée à mon fauteuil, complètement terrifiée pour les personnages, et attendant la suite avec impatience.


En parlant de suite, je pense qu’on ne coupera pas à un Kick Ass la vengeance (surtout qu'il y a de quoi venger).


Et au fait, vous avez reconnu qui joue Red Mist?



C'est le mythique Mac Lovin de Superbad! (il y a un group facebook pour ceux que ça intéresse)


samedi 12 juin 2010

Sex and the City 2 - Michael Patrick King - 2010


Ce film me travaille trop pour que je résiste à l’envie d’en parler. Je ne pense pas que ce soit une réussite, mais deux-trois choses valent la peine d’être notées. Alors en vrac, parce qu’on ne peut pas prendre son goûter, poser son vernis, blogsurfer et écrire un billet structuré en même temps.


Deux ans après le «je le veux» de Big et Carrie, tout le monde pique une crise. Heureusement, Samantha est là et emmène ses copines faire la teuf à Abou Dhabi, tous frais payés.

Voilà ce que j’en pense:

  • Carrie est insupportable: elle empêche Big de regarder la télé tranquillement, elle envoie balader Charlotte qui a des problèmes de couple, elle mobilise toute la planète quand elle revoit Aidan, alors que ses copines ont quand même des soucis plus graves (et plus intéressants). Elle est comme une méchante gamine qui veut attirer l’attention de tout le monde. Alors je me demande: l’ont-ils faite délibérément pénible? Est-ce qu’on est censé regarder cela avec distance, ou au contraire, avec sérieux et compassion? Franchement, je ne sais pas, mais en tout cas je l’ai detestée.


  • En même temps, le film aborde de vrais problèmes un peu tabou. Par exemple, Miranda et Charlotte n’arrivent plus à gérer leur maternité, qui ont besoin de prendre des vacances, mais ne peuvent s’empêcher de culpabiliser de laisser leur progéniture à la maison. En ces temps qui exigent des femmes d’être des mères parfaites et de s’en estimer heureuses, j’ai trouvé que l’initiative était pas mal. Il y a une scène hilarante où Miranda confesse Charlotte, complètement digne de la série.
  • Et dans le sens inverse, le non désir de maternité de Carrie est également provocant. On voit à quel point un couple doit faire d’efforts pour n’être que deux, pour le reste de leur vie.


  • L’abondance de luxe m’a embarrassée. Quand elles sont à l’hôtel, je ne savais plus où me mettre. Bon, je comprend ce qu’ils ont voulu faire: on est en temps de crise, donc on fait comme Hollywood dans les années 30, et on compense pour faire un peu rêver les gens. En ce qui me concerne, je n’ai pas trouvé cela glamour, mais indécent, outré, gênant. Même les fringues n’ont pas fait tilt, et j’ai trouvé leurs tenues dans le désert carrément absurdes (en même temps, c'est Miranda qui a choisi).
  • Puis ce film fait un peu trop propre sur lui, trop lisse. L’appart de Big et Carrie est parfait, mais à l’image d’un Elle décoration, alors que dans la série, on pouvait voir Carrie s’affaler dans son appart un peu bordélique. Les filles ont des looks de shootings de magazines (ce qui n’est pas toujours une réussite), alors que dans la série elles ont des tenues portables par des femmes lambda (plus ou moins).


  • Mais faut dire que tout n’est pas si lisse et parfait, et là je parle du corps des actrices. On voit qu’elles ne sont plus toutes jeunes, même si elles sont toujours belles. Le corps de Carrie est très mince, mais est devenu très sec, avec des veines apparentes. On la voit se raccrocher de toutes ses forces à son corps de jeune fille. Samantha a pris du poids, a vieilli, passe le cap de la ménopause, et le film en parle. On la voit prendre ses pilules, on voit sa libido s’effondrer. Et que dire de la performance de Liza Minelli? Ils auraient pu faire appel à, je sais pas moi, Lady Gaga, ou Miley Cirus, ou Rihanna, mais non. Ils vont chercher une sexagénaire. Les gros plans sur son visage peuvent gêner: on voit la chirurgie esthétique, le sourire crispé, les yeux trop écarquillés.
  • c’est un film où on ne voit que des femmes de plus de quarante ans, mais encore belles, mais en même temps on sent l’effort, et c’est triste et embarrassant. Grattez sous le bling bling, et vous trouverez des corps vieillissants. Et j’ai aimé cette tension, qui nous met face à nos propres craintes.


  • La question du voile qui fait parler tout le monde. Je ne sais pas quoi en penser, et le film non plus on dirait. Carrie fait des blagues très connes, Samantha s’insurge et Miranda prône la tolérance et le respect de la culture d’autrui : qui a raison? La plupart des gens ont été choqués par la façon dont le problème a été abordé, et par la condescendance du film. Moi je trouve qu’en définitive, le film est un peu plus subtil qu’il n’y paraît, car il montre comment un révolte sourde gronde chez les femmes voilées, qui ne sont pas si soumises qu’il n’y paraît. Et je reconnais là Sex and the City, qui traite de sujets tabous sans mettre de gants, de façon culottée, ce qui ne veut pas dire que le raisonnement manque de finesse.


  • Sinon, le problème avec ce Sex and the City, c’est qu’il n’y a pas beaucoup de sexe, et pas beaucoup de City. Abou Dhabi est présenté comme un nouveau New York (après tout il y a bien des gratte-ciels), mais ça ne tient pas le coup deux minutes, et le film le reconnaît rapidement. Et de toute façon, c’est même pas tourné à Abou Dhabi, mais à Marrakech. Paraitrait que les Emirats voulaient bien se faire un peu de pub, mais pas au point d’admettre ces femmes perdues sur leur sol.


Comme vous le voyez, je suis très mitigée. Cela dit, je dois admettre que tout n’est pas à jeter. Il y a un certain plaisir à les retrouver et à voir ce qu’elles deviennent, comme si c’était de vieilles copines. C’est moins bien écrit que la série, moins spirituel, moins nerveux, mais c’est mieux que rien. Ca reste drôle et culotté, et Samantha reste Samantha.



Maintenant pour le 3, je veux un vrai scénario : ça ne suffit pas de les mettre en vacances et de les faire changer de tenue à chaque scène.

mardi 8 juin 2010

Cent ans de solitude (Cien años de soledad) - Gabriel García Márquez - 1965


(J’ai pas envie de me faire engueuler. M’engueulez pas.)


Gabriel Garcia Marquez et moi, c’est pas passé, et croyez-moi, j’en suis la première marrie. Cela avait bien commencé pourtant: un couple qui recommence la société à zéro dans une région reculée de Colombie, et qui fonde le village de Macombo. Ce patriarche scientifique fou qui se livre à l’alchimie avec l’or de l’héritage de sa femme. Ce saltimbanque qui fait parvenir au village les dernières inventions magiques du monde civilisé. Cette famille qui s’agrandit, au mépris d’une malédiction liée à un inceste originel.


Bien sûr que tout cela me parle. De plus, GGM est le grand inspirateur de mon bien aimé Salman Rushdie (qu’il soit mille fois béni)(Salman Rushdie, pas GGM), le grand prêtre du réalisme magique, j’aurais du être comblée.


Mais blocage il y a eu. J’ai trouvé l’écriture laborieuse. Je trouvais que l’histoire se construisait péniblement, et que le renfort continu de personnages plus déglingués les uns que les autres ne faisait qu’accentuer cet effort. J’avais l’impression d’être en face d’un livre qui se voulait chef d’oeuvre - très désagréable et gênant comme sensation.


Et je n’ai pas cru aux personnages. Déjà je n’arrivais pas à distinguer qui était qui, et je ne parle même pas du fourmillement de José Arcadio et d’Aureliano dans la famille Buendia. Je n’arrivais même pas à faire la différence entre les femmes.


J'ai trouvé leurs histoires anecdotiques, digne de faits divers, d’un zapping.


Alors voilà, ça m’embête furieusement. C’est typiquement le genre de livre qui devrait me plaire, et ça a fait un gros splosh. (en même temps, c’est peut-être la faute à la température: il faisait plus de 40° ces journées là.) Et je m'en veux, faut pas croire.


Cent Ans de Solitude me fait l’effet d’un chef d’oeuvre raté. Car je reconnais volontiers que c’est un chef d’oeuvre, si on accepte qu’un chef d’oeuvre, c’est ce qui crée ses propres règles, son propre modèle. Or Cent Ans de solitude, c’est un peu le parangon du réalisme magique sud-américain, bien fol est celui qui le nierait.

Je n’ai pas aimé ce livre (enfin, la moitié que j’ai lu), mais il vaut peut-être mieux écrire un chef d’oeuvre raté qu’un bon roman. Il peut rater des rencontres individuelles, mais il ne s’inscrit pas moins dans l’histoire de la littérature.


Voilà votre Renarde qui pratique l’abnégation au nom de l’Art - ça me tirerait presque une larme.


PS: et en plus la couverture est trop moche. J'en grinçais des dents à chaque fois que je reprenais le livre.