samedi 24 avril 2010

Histoires laotiennes - nos amies les bêtes

... parce qu'ici, elles ne sont pas comme chez nous, et qu'il n'y a pas de raison que j'en profite toute seule.

Dans le centre sud du Laos, il existe un lac où vivent des tortues géantes. Elles en sortent quand un enfant se met à chanter ; et alors, il peut grimper sur leur dos. Ca ne marche pas avec les grandes personnes, au plus grand désespoir de votre humble servante.

***

Dans la pagode de notre village vit une truie géante. Quand je dis géante, je veux dire qu'elle m'arrive à la taille et qu'elle fait presque un mètre cinquante de large, avec plein de mamelles comme des ballons de handball. Ce monstre, qui aurait pu fournir une quantité non négligeable de saucisses, a été épargné par le boucher quand celui-ci s'est aperçu qu'il avait cinq doigts au lieu de quatre, ce qui était suffisant pour le déclarer sacré. Mme Truie a donc été recueillie par le temple.
Tous ceux qui ont essayé de l'attacher ou de lui mettre une laisse pour qu'elle ne fasse pas de dégâts sont tombés malades. Ils ont donc renoncé, et la demoiselle peut désormais se balader en toute liberté. Elle est aimée de tous et se laisse volontiers prendre en photo.

***

Ici, il n'y a pas de loup-garous (j'entends des couinements dans l'assemblée - non Mesdames, il ne sera point question de Jacob), mais il y a des hommes-tigres (ce qui peut être pas mal aussi). Dans la région sud du Laos, il existe une tribu qui possèderait le secret de la transformation, qui résiderait en un tubercule. Certains hommes auraient donc le pouvoir de se transformer en tigre la nuit. Ils s'en prennent aux humains qui, une fois trépassés, se transforment en gibier et peuvent donc être consommés en toute tranquillité.

***

La loterie locale est basée sur le zodiaque chinois.
Hier ma cousine a trouvé une chatte (sans-gêne) qui venait de mettre bas dans son armoire, et avait donné naissance à trois petits chatons. La maman va bien et les enfants sont en pleine santé.
Ma cousine a donc immédiatement joué à la loterie, en inscrivant ce qui équivalait à trois chats, et a gagné 250 $. Toute la famille a eu droit à un bon repas.

***

Il est possible de trouver des viandes bizarres dans certains quartiers de Vientiane, comme de la viande de chien ou de serpent. Seulement, c'est un peu tabou d'en consommer ; dans les régions plus reculées, c'est mieux admis. Moi, je refuse d'y penser: un hot-dog, c'est une saucisse dans un pain, et pas autre chose.

***

Sachez qu'ici, on peut se faire tuer pour un porc ou un chien écrasé. Le porc, c'est ce qui nourrit, et le chien, c'est ce qui surveille le porc. Mollo sur l'accélérateur donc.

***

Ma balade à dos d'éléphants m'a appris deux-trois petites choses:
1. L'éléphant est un animal sociable: il refuse de se déplacer s'il n'a pas un pote avec lui.

2. L'éléphant est un animal joueur: il aime bien embêter son pote en lui donnant de petits coups de trompe ou de queue ; il aime aussi s'ébrouer dans l'eau (avec une Casanova sur le dos, bien sûr)

3. L'éléphant est un animal peureux: un bruit de voiture au loin peut lui donner des envies de fuite (toujours avec une Casanova sur le dos)

4. L'éléphant est un animal de montagne: il vous grimpe allègrement des côtes très raides et très étroites, tout en jouant avec son pote (oui oui, je suis toujours dessus)

5. L'éléphant est un animal têtu: s'il ne veut pas avancer, il n'avance pas. Tu lui parles en français, en laotien ou en éléphant, c'est pareil.

J'ai aussi appris que l'éléphant était toujours utilisé pour transporter des marchandises dans certaines régions du pays, même s'il commence à être une espèce protégée.
Sachez que le Laos est aussi appelé le pays du million d'éléphants (même si ce n'est plus vrai aujourd'hui).
Sachez aussi qu'en Thailande, l'éléphant blanc est considéré comme sacré, et appartient au roi. Je pense que c'est parce que la mère du Bouddha a eu la vision d'un éléphant blanc au moment de concevoir son enfant.

mardi 20 avril 2010

Charlie et la chocolaterie - Roald Dahl - 1964

Ce bouquin, je le connaissais vraiment par coeur, et pourtant, il a encore réussi à me faire de l'oeil, avec sa couverture toute jaune, bardée d'inscriptions de toutes les couleurs et de toutes les typos, de dessins de petits personnages bondissants. Il en clignotait le bougre. Vous l'aurez deviné, c'était une édition anglaise. What else?

Et comme d'habitude, j'ai marché à fond.

Charlie Bucket est un très gentil garçon qui adore le chocolat. Mais il ne peut en manger qu'une fois l'an, à l'occasion de son anniversaire - c'est tout ce que son père tourneur de bouchons de dentifrice peut se permettre de lui offrir. Un jour, Willy Wonka, le grand magicien du chocolat, décide d'ouvrir son usine aux heureux détenteurs des cinq tickets d'or, répartis dans cinq barres de chocolat qui peuvent être vendues dans n'importe quel magasin de n'importe quel pays. Bien sûr, les chances pour Charlie de trouver un ticket d'or sont risibles. Bien sûr.

Ce livre a le don de me mettre l'eau à la bouche et de m'émerveiller, avec ses descriptions de friandises avec des noms à coucher dehors. "Wonka's whipple-scrumptious fudgemallow delight" "Wonka's nutty crunch surprise"
Certes, à part nous dire que c'est supercallifragilistiquement délicieux, et qu'il y a des trucs gras et sucrés dedans, ça ne nous dit pas grand chose, mais c'est plutôt tentant non?
Et puis il y a aussi la montagne de friandises impossibles: du gazon mangeable, des glaces qui ne fondent pas, des ballons en sucre, des caramels qui changent de couleur, et plus encore.

Outre le vil appel au ventre, ce livre est une invitation à l'aventure dans ce pays des merveilles qu'est l'usine à chocolat de Willy Wonka - elle est un mélange de parc d'attraction, de maison en pain d'épices et de Centre Pompidou. Je dis bien "aventure", car cette usine est dangereuse: derrière chaque merveille se cache une mauvaise surprise qui peut être fatale, comme auront l'occasion de le découvrir tous les enfants pas sages.
L'usine est très ambivalente, à l'image de son créateur, le génial Willie Wonka, à la fois magicien et sorcier, irritant, charmeur, mystérieux, déconcertant, plein de contradictions. C'est un savant fou, ne se préoccupant que de ses inventions, jamais trop inquiet au sujet de la vie d'autrui, ni même de la sienne d'ailleurs.

Son exubérance contamine l'écriture, très joyeuse, légère, pleine de légèreté, sautillante (une langue peut tout à fait sautiller).
Le texte est très spectaculaire, envahi qu'il est de chansons, de typographies diverses et variées, de dialogues lachés comme des bombes, d'illustrations.

Comme c'était la première fois que je lisais ce livre en anglais, j'ai eu le bonheur de découvrir un chapitre qui n'existe pas dans ma version française. C'est le chapitre 23: "Square sweets that look round". Allez jeter un oeil.

Un vrai plaisir de lecture, un livre qui se déguste et qui en même temps nous emmène sur des montagnes russes.

Un truc qui me fait tiquer quand même: le sort des Oompa Loompas. C'est pas clair cette histoire: ces petites créatures travaillent très dur, dans un endroit dangereux d'où ils ne peuvent sortir, et sont payés en chocolat alors que leur production est censée être mondiale (cette blague!). Le pire, ce sont les expérimentations sur cobayes. Ou alors la galère permettant à Willy Wonka de se dépacer sur son fleuve en chocolat. C'est vraiment inquiétant quand on y regarde de plus près. De toute façon, il y a une certaine jouissance de la cruauté chez Dahl, qui fait dormir quatre grands parents dans un seul lit, expose ce métier absurde de tourneur de bouchon de dentifrice et fait leur fête aux enfants pas sages.

Bonus: Voici un résumé de la version originale du livre: Charlie aussi était un vilain petit garçon, et faisait partie d'un groupe de quinze enfants aussi odieux que lui. Dans cette version, la visite de la chocolatrie n'avait rien d'exceptionnel, puisqu'elle avait lieu tous les samedis. Apparemment, ça n'avait pas plu au neveu Dahl.

dimanche 18 avril 2010

Histoire de ma vie, et pas à moitié!

Bon bon bon. Chers amis, ce jour aurait dû être celui de mon retour en fanfare en France, seulement un volcan capricieux et grincheux (il se reconnaitra) en a décidé autrement. Je n'ai aucune idée de la date de mon retour, ce qui est plutôt irritant. Enfin, je me mets à la place de ceux qui doivent se trouver un hôtel, et qui parfois ne peuvent pas parce que tout affiche complet, et je me dis que j'ai de la chance d'être logée dans ma famille.

Cela dit, j'ai décidé de ne pas laisser cet espace en friche plus longtemps (parce que vous me manquez - mais trêve de sentimentalisme). J'ai un petit carnet avec plein de notes de lecture dont je compte bien vous faire profiter.
Ca m'ennuie un peu de ne pas pouvoir inclure de zolies zimages comme à l'accoutumée ; comme je vais dans des cyber cafés, je ne peux pas télécharger. J'étais pourtant tellement fière de réussir à en publier - ceux qui connaissent mon ancien blog verront très bien ce que je veux dire et approuveront frénétiquement. Et puis ça mettait de la couleur. Et puis ça vous permettait de respirer entre deux paragraphes. Mais faut ce qu'il faut.

J'ai enfin trouvé un ordinateur dont le clavier affiche les accents, donc je vais pouvoir publier sans vous donner envie de vous arracher les yeux. (C'est l'effet que me fait ma prose quand elle est dépourvue d'accents.)
Cet ordinateur prodigieux se trouve au Centre Culturel Français, lieu béni d'entre tous que j'ai découvert ce matin!

Tant qu'on est dans la catégorie, "Histoire de ma vie", je vais essayer de ne pas faire les choses à moitié, et de vous raconter un peu comment se passe mon séjour. Je voulais le faire à mon retour pour pouvoir mettre des photos (c'est toujours plus clair avec des photos), mais ce sera pour plus tard.

Je suis au Laos depuis déjà cinq semaines. Je connais bien ce pays car ma mère est laotienne, et car j'y ai déjà passé de nombreux étés. Cette année, je n'ai pas vraiment d'obligations ; c'était le moment ou jamais donc j'en ai profité pour y rejoindre mes parents. La maison de mes grands parents se trouve à Vientiane, et c'est là que j'ai passé la plus grande partie de mon temps. Sinon j'ai aussi voyagé une semaine dans le nord (à Luang Prabang, qui est l'ancienne capitale royale, à Xieng Khouang), et une semaine dans le sud (jusqu'à Pakse et la région des quatre mille îles).
J'ai vu des paysages de rizière et de montagne sublimes ; j'ai visité des temples en ville, en forêt, dans des grottes ; j'ai remonté le Mékong en bâteau façon Conrad; je m'y suis baignée et je me suis fait grignoter les orteils par des poissons peu farouches ; je me suis perdue dans la jungle en montagne et j'ai eu un peu peur; j'ai rencontré des gens adorables, amis de ma famille ; j'ai participé à moults cérémonies religieuses dont j'avais fait la déco ; j'ai fêté le nouvel an laotien, qui dure sur trois jours le bougre! ; j'ai fait une balade à dos d'éléphant - c'était obligatoire au pays du million d'éléphants. Bestioles très intéressantes d'ailleurs, têtues, affectueuses, peureuses et joueuses - même avec une Casanova terrifiée sur le dos.

Le Laos, c'est cool, et c'est beau, et on y mange bien.

A Vientiane, la vie s'écoule doucement. A cause de la chaleur (40° dans la journée), on ne peut pas faire grand chose entre dix heures du matin et dix-sept heures. Donc je lis, j'étudie un peu, j'achète des boucles d'oreilles et j'apprends le laotien. Je me suis d'ailleurs achetée des petits cahiers de gamins de primaires pour apprendre la calligraphie. C'est une écriture magnifique, toute en volutes, mais c'est dur à maîtriser! La grammaire elle-même n'est pas bien méchante, mais tout se joue dans les intonations. Ma mère ne comprend pas où est le problème: "Pa c'est le poisson, mais Pa c'est la tante, et Pa c'est la forêt". C'est cool, mais c'est quoi la différence entre Pa et Pa?

Je suis à court de livres maintenant, et je suis bien contente d'avoir trouvé ce centre culturel français, avec des livres, et des magazines, et des films, et l'AIR CONDITIONNE!
Et aussi un clavier avec des accents. Je reviendrai demain.