dimanche 29 novembre 2009

Moby Dick - Herman Melville - 1851*




Monstre de la littérature, croyez moi, ce n’est rien de le dire (même si c’est trop facile, je vous l’accorde).
Le titre est prémonitoire d’ailleurs : « Moby Dick or the Whale ». Signe qu’on ne va pas parler uniquement d’un individu, mais de l’être baleine, colossal au propre comme au figuré.

- Lieu : l’océan.
- Temps : celui des chasseurs de baleine
- Personnages : des chasseurs de baleine.
- Animaux : des cétacés divers et variés (pourchassés par des chasseurs de baleine)
- Le pitch : C’est l’histoire d’une vengeance. Le capitaine Achab vs Moby Dick, le cachalot blanc.
Pourquoi tant de haine ? Du point de vue de l’homme, la bestiole lui a arraché la jambe. Du point de vue de l’animal, on ne sait pas trop mais on peut imaginer que la perspective de se faire harponner rend l’homme peu sympathique à ses yeux. A moins que...
Cette course poursuite ne constitue qu’une partie du récit du narrateur qu’on appellera Ismaël, témoin peu remarquable et remarqué de l’Odyssée dans laquelle il s’est embarqué. En effet elle se double d’une étude approfondie du règne cétacéen et de l’éloge du cachalot, qui vise à immortaliser ce fabuleux animal déjà menacé d’extinction.

Les gens, accrochez vous ! J’ai commencé par le lire dans le texte original, brut, tel qu’en lui-même, (sans notes, ni introduction). J’ai fini par balancer le livre au bout d’un mois et trois cents pages pour récupérer la version Pléiade avec ses précieuses notes. Il fallait bien ça, moi qui me suis sentie paumée dès la première phrase : « Appelez moi Ismaël ».
C’était une référence biblique bien sûr. En plus elle avait plein de copines philosophiques, littéraires - semées un peu partout dans le bouquin
Outre cela, ce n’est pas toujours facile de suivre les récits naturalistes, les réflexions philosophiques, les éclaircissements techniques de ce cher Ismaël. Mais une fois passé ce cap, on se régale. Pendant deux mois et demi en ce qui me concerne. Ce livre est fascinant à de très nombreux titres :

La monomanie d’Achab, obsédé par sa proie, prend des proportions homériques. Dans sa colère, il voit en Moby Dick l’incarnation du mal absolu. Dès lors, il s’érige lui-même en puissance des mers afin de combattre le cachalot blanc, devenu une Idée et dépassant sa condition contingente d’animal. Achab est élevé au dessus des hommes et à ce titre revêt la grandeur d’un personnage tragique. « Serait-elle trop lourde, la couronne qui ceint ma tête, la couronne de fer de Lombardie ? Elle scintille pourtant de mainte gemme. Je ne vois pas, moi qui la porte, les feux qu’elle jette au loin, mais sens obscurément qu’elle éblouit jusqu’à l’aveuglement ». On a l’impression d’entendre un héros shakespearien lorsqu’il monologue dans sa cabine, sur le pont, d’autant plus que Melville lui attribue une langue très belle et poétique. Achab est un Lear, qui hurle dans la tempête.

Venons en à Moby Dick. Ce qui est absolument fascinant avec cette bestiole, c’est le fait qu’on sente sa présence tout au long du livre, même quand il n’est pas (censé être) là, et du coup, même si on a un long passage naturaliste ou philosophique, la tension demeure. Il est présent à l’esprit de tous les personnages, qu’ils parlent de lui ou simplement pensent à lui. J’ai eu en permanence l’impression d’être assise sur un volcan qui menace de se réveiller méchamment.
Et puis ce Moby Dick n’a pas un physique facile. D’abord, il est reconnaissable à sa mâchoire tordue et à ses nombreuses cicatrices. Il a fait la guerre Moby Dick, ce n’est pas un pied tendre.
De plus, il est tout blanc. Je n’ai pas compris si c’est parce qu’il est albinos mais il y a des chances. Et comme l’analyse finement le narrateur dans le somptueux chapitre « La blancheur du cachalot »,
« bien que la blancheur soit ainsi abondamment associée a tout ce qui est doux, honorable et sublime, quelque chose est dissimulé au plus secret de l’idée de cette couleur, quelque chose d’insaisissable qui suscite dans l’âme une épouvante plus grande que le rouge du sang. » Vous ne trouvez pas ça super concept?
Ainsi, on ne peut pas considérer Moby Dick comme un simple animal. La narration et la superstition des marins nous obligent à lui attribuer une conscience voire une malignité. C’est carrément flippant.

N’oublions pas pour autant la description minutieuse qui est faite du monde marin et de la chasse à la baleine, et qui forme les bons deux tiers du livre. Lire Moby Dick fut juste merveilleux ne serait-ce que pour le déploiement poétique et quasi exhaustif de cet univers aujourd’hui révolu. Le narrateur entend rendre ses lettres de noblesses à cette activité jugée vile et basse, et la présente dans tout ce qu’elle a d’héroïque, voire de sacré. Il fait aussi l’éloge de la baleine et l’élève au rang de quasi divinité des océans. Du coup, j’ai eu l’impression d’être complètement immergée dans cet univers et de m’y perdre. Les marins du monde entier sont devenus mes collègues (un brin homosexuels, par la force des choses j’imagine), je sais comment harponner une baleine, et je connais l’odeur de l’ambre gris (ca sent bon). De plus ce livre est très drôle. J’ai été conquise!

Moby Dick est un livre difficile, exigeant vis à vis du lecteur, et ça ne se lit pas d’une traite. Mais il est bouleversant et je compte bien le relire. Ne ratez pas ce très grand livre chers amis!


(billet importé de mon ancien blog)

mercredi 25 novembre 2009

Carmilla - Joseph Sheridan Le Fanu - 1872

C’est un ami irlandais qui, le soir d’Halloween, m’a fait découvrir Sheridan Le Fanu - à noter: mon ami était déguisé en vampire, plus précisément en Gary Oldman dans le Dracula de Coppola, adapté du roman éponyme de Bram Stocker. Si je vous dis que ce dernier s’est inspiré du Carmilla de Sheridan le Fanu pour son Dracula, vous comprendrez si je vous dis que la boucle est bouclée.

Ce qui est frappant, c’est le genre du roman, à mi chemin entre les récits gothiques - avec châteaux, cimetières, jeunes vierges persécutées - et le roman plus moderne à la Bram Stocker. Carmilla est l’un des premiers textes de la littérature vampirique, et l’un des plus importants - malgré sa longueur d’à peine une centaine de pages. A ma connaissance, c’est Le Fanu qui a établi les conventions du genre - les méthodes d’attaque du vampire, les solutions pour le détruire, les deux petits trous à la base de la gorge. Donc même s’il faut reconnaître qu’on est un peu blasé aujourd’hui, que toussa on connaît, et qu’on voit Carmilla arriver à trois kilomètres, il n’empêche que c’était tout nouveau pour les contemporains. Carmilla est également la première oeuvre à mettre en scène une (vampiresse? vampirette?) dame vampire, laquelle dame ne s’en prend qu’aux dames. Je vous le donne en mille: Carmilla est homo!


Le pitch: L’histoire se déroule en Autriche. C’est le récit - rapporté plusieurs années après les faits - de Laura, jeune ingénue solitaire qui s’ennuie dans la demeure de son père. Sa vie se trouve bouleversée par l’arrivée de la très mystérieuse Carmilla, victime d’un accident dont Laura est le témoin. Celle ci lui offre donc son hospitalité (comme elle s’ennuie) et trouve en elle une compagne. Aussitôt les deux femmes s’aperçoivent qu’elles se connaissent déjà, qu’elles ont vécu des événements similaires, en rêve ou dans la réalité - elles se rapprochent. Carmilla manifeste bientôt un amour passionnel pour Laura ; les sentiments sont plus mêlés pour celle ci, qui éprouve un trouble profond devant la beauté de Carmilla en même temps qu’une certaine répulsion. Bientôt des incidents éclatent dans la région: plusieurs jeunes femmes languissent plusieurs jours d’une maladie, puis meurent. Laura devient elle-même atteinte d’une étrange mélancolie.


Carmilla frappe par sa grande sensualité - elle est décrite comme très caressante, voluptueuse. C’est une femme fatale qui frappe par son immense beauté: cette dame vampire séduit ses victimes plus qu’elle ne les attaque.


Elle était d'une taille au-dessus de la moyenne, mince et étonnamment gracieuse. A l'exception de l'extrême langueur de ses gestes, rien dans son aspect ne révélait qu'elle fût malade. Elle avait un teint éclatant et coloré, des traits menus parfaitement modelés, de grands yeux noirs au vif éclat. Sa chevelure était magnifique. Jamais je n'ai vu des cheveux aussi épais, aussi longs que les siens, lorsqu'ils retombaient librement sur ses épaules. Je les ai bien souvent soulevés dans mes mains, et me suis émerveillée en riant de les trouver si lourds. Prodigieusement fins et soyeux, ils étaient d'un brun très sombre, très chaud, avec des reflets d'or. Quand elle était étendue sur sa chaise-longue, dans sa chambre, me parlant de sa voix douce et basse, j'aimais les dénouer et les laisser tomber de tout leur poids, pour ensuite les enrouler autour de mes doigts, les natter, les étaler, jouer avec eux. Ciel ! si j'avais su alors tout ce que je sais maintenant !


Sans vouloir tout ramener à moi, on peut penser à Casanova qui, à la différence de Don Juan, aimait toutes les femmes dont il entreprenait la conquête.


«Parfois, après une heure d’apathie, mon étrange et belle compagne me prenait la main et la serrait longtemps avec tendresse ; une légère rougeur aux joues, elle fixait sur mon visage un regard plein d’un feu languide, en respirant si vite que son corsage se soulevait et retombait au rythme de son souffle tumultueux. On eût cru voir se manifester l’ardeur d’un amant. J’en étais fort gênée car cela me semblait haïssable et pourtant irrésistible. Me dévorant des yeux, elle m’attirait vers elle, et ses lèvres brûlantes couvraient mes joues de baisers tandis qu’elle murmurait d’une voix entrecoupée : « tu es mienne, tu seras mienne, et toi et moi ne ferons qu’une à jamais ! » Après quoi, elle se rejetait en arrière sur sa chaise-longue, couvrait ses yeux de ses petites mains, et me laissait toute tremblante. »

La relation entre Carmilla et Laura est ambiguë: Carmilla manifeste ouvertement son désir, ce qui provoque un sentiment de malaise en Laura, mais en même temps on jurerait que celle ci se laisse faire, se laisse aimer et affaiblir. Comme Laura raconte à la première personne, c’est son point de vue que le lecteur a, et on peut vraiment se demander si elle ne fait pas exprès de se cacher la nature réelle de Carmilla, et de sa propre langueur à elle. Il y a cette mention d’un tableau au début du roman, représentant Cléopâtre se donnant la mort. Il y a certainement une comparaison à faire entre ce tableau et la situation entre les deux femmes. Je ne sais pas de quel tableau l’auteur parle, mais dans ceux que j’ai trouvés, la reine n’a pas l’air de trop mal le prendre (en même temps elle le veut bien). Je n’irai pas jusqu’à parler d’enthousiasme, mais il y a de la sensualité dans cette morsure mortifère.




Guido Cagnacci 1660


Guido Reni 1630


Le roman entier raconte donc le désir mélancolique et intense de deux femmes l’une pour l’autre, qui existe bien après leur séparation, comme si le venin du serpent demeurait toujours en Laura.

C’est un beau roman plein de mystère, où les frontières entre le rêve et la réalité, la mort et la vie sont floues, et où tout demeure dans l’entre deux.



Donc voilà, si on connaît déjà par coeur les conventions du roman de vampire, ce livre n’en est pas moins très plaisant et troublant à lire.


L’avis de Lilly (qui est partout décidément!)


samedi 21 novembre 2009

Le Moine (The Monk) - Matthew Lewis - 1796




Le Moine est considéré comme le parangon du roman gothique - toutes les choses inavouables qui font palpiter vos petits coeurs dépravés, toutes s’y trouvent. On va faire l’appel si vous voulez.

Le cimetière? présent

Le moine / la nonne / l’Inquisition (oui, tout ça, c’est pareil)? présent

La belle vierge persécutée? présent

Le pacte avec le démon? oui oui

Le viol? Et comment!

La torture? Toutes je vous dis!

Les petits gâteaux? Ah non, pas les petits gâteaux.


La première édition, parue en 1796 en Angleterre, a déchaîné les foules - le scandale était d’autant plus grand que l’auteur, non seulement était âgé d’à peine vingt ans, mais était un membre du Parlement. Ils sont beaux les législateurs outre Manche! En même temps, les gens se sont rués sur cet ouvrage - juste pour voir si sa réputation de perversité et d’obscénité tenait la route. L’auteur a d’ailleurs été obligé de supprimer des passages pour les éditions suivantes, afin d’échapper aux accusations de blasphème. A ce moment là, autant faire disparaître le livre tout court, puisque son propos même est blasphématoire. On pourrait rattacher cette oeuvre anticléricale à l’esprit des Lumières - on pense beaucoup à la Religieuse de Diderot.


C’est l’histoire de la chute d’Ambrosio, jeune moine fier au passé trouble, dont les talents oratoires émeuvent tout Madrid - on va à ses prêches comme à un concert de rock, et les femmes, jeunes et moins jeunes, font la queue pour se confesser à lui. Sa morale très stricte et sa chasteté sont de notoriété publique - il semble trop saint pour être vrai. Un jour, il intercepte une lettre compromettant une nonne - Agnès - qui prévoit de s’enfuir avec son amant dont elle est enceinte. Ambrosio dénonce Agnès auprès de sa mère supérieure malgré les supplications de celle-ci; Agnès est donc vouée à la mort - elle maudit Ambrosio, lui prédisant la même chute. Ce jour là, Ambrosio découvre que son ami Rosario, moine comme lui, est en réalité une femme - Matilda - qui s’est déguisée en homme afin de se rapprocher de lui. Les tourments de la chair (faible) commencent.


Je m’attendais à davantage de sorcellerie, de vaudou, de démons, de chaudrons, de profanations de sépultures (c’est une obsession!), ces petites choses là. Heureux privilégiés que vous êtes d’avoir un aperçu de ma nature dépravée! Tout cela est présent bien sûr, mais c'est une forte charge érotique qui prédomine le roman (a-t-on perdu au change?) : une fois que les vannes sont ouvertes, le violent désir sexuel d’Ambrosio le mène vers les pires excès, par l’abus de la confiance que les gens ont en lui. Ce qui fascine c’est la cohabitation, l’articulation, et même l’imbrication de ces deux natures de saint et de monstre, de victime et de bourreau.

Là nous sommes aux limites de la civilisation, puisque non seulement Ambrosio mais aussi d’autres personnages, ne respectent pas l’humanité (sans parler de la vie) des personnes qu’ils ont en leur pouvoir. Le lecteur moderne sera sans doute moins choqué qu’un contemporain de Lewis, mais si on passe outre les amourettes dont on se fiche, on comprend qu’une véritable barbarie est à l’oeuvre, belle dans son absolu. Et quand on croit être arrivé au bout de l’horreur, la fin change la donne, et alors, respirez un bon coup mes amis.


J’ai beaucoup aimé la figure des femmes dans ce roman: si elles sont maltraitées et mènent une vie misérable, elles ont tout de même une volonté de maîtrise, et montrent une grande insolence et indépendance d’esprit. Bien sûr, je ne parle pas ici d’Antonia, l’oie blanche qui est la proie d’Ambrosio. Elle est d’une bêtise! Elle écoute tout ce que maman lui dit (laquelle maman déchire les pages de la Bible qui lui paraissent un peu trop olé olé, afin que sa fille ne soit pas exposée au vice)(notez comment Lewis se moque!), n’a aucun recul sur les événements. Il faut qu’Ambrosio lui saute littéralement dessus pour qu’elle comprenne que le monsieur ne lui veut pas que du bien - ou alors pas celui auquel elle pense.


L’intrigue est complexe, bien menée, avec de nombreuses histoires en parallèle, des digressions, des points où se recoupent les différents récits. Il faut suivre. Ce que j’ai bien aimé, ce sont les détails infimes au début du roman qui sont en réalité les indices d’autres histoires. J’ai trouvé la construction parfois maladroite - une digression trop longue, qui arrive sans crier gare par exemple - mais ce n’est pas gênant. Il y a deux fins, dont l’une m’a ravie, transportée, horrifiée, et l’autre m’a déçue. Je vous laisse le soin de deviner laquelle et laquelle - car vous lirez ce roman, n’est-ce pas chers amis?


Bien sûr il faut y croire un peu, bien sûr il faut se faire bon public, bien sûr il faut se laisser guider. C'est excessif, ça va dans tous les sens, mais cette oeuvre se lit d’une traite, ses images frappent et demeurent longtemps en vous - et ce n’est pas Artaud ou Breton (grands fans devant l’Eternel) qui me contrediront.


L'avis de Lilly, un poil moins convaincue.


mardi 17 novembre 2009

Vingt mille lieues sous les mers - Jules Verne - 1869


Nous sommes en 1866 et c’est la panique sur les océans; en effet un mystérieux monstre marin parcourt les eaux de plusieurs mers et taquine les navires de toutes nationalités. Une expédition s’organise alors - composée entre autres du naturaliste français Pierre Aronnax, de son domestique Conseil et de l’harponneur canadien Ned Land - dans le but de calmer le monstre en question. Seulement à ce jeu là, c’est le monstre qui gagne: le vaisseau est attaqué et coulé. Les personnages sus mentionnés se retrouvent précipités à la mer et parviennent à gagner un refuge, qui n’est autre que le dos du monstre. Ils s’aperçoivent bientôt qu’il s’agit d’un sous marin - le Nautilus contrôlé par le capitaine Nemo, qui les fait aussitôt prisonniers.


Ce qui fascine dans Vingt mille lieues sous les mers, c’est la possibilité d’une vie autre, dans un espace temps complètement coupé de celui des sociétés sur la terre ferme. On se croirait sur une autre planète, et pourtant nous ne sommes que sous les mers. Le capitaine Nemo ne demande rien au monde terrestre: toute sa nourriture, tous ses vêtements (je crains le pire), toute l’énergie qui fait avancer le sous-marin lui viennent de l’océan. Il est de plus impossible de rattacher le capitaine Nemo à une quelconque nationalité car non seulement il ne se revendique d’aucune, mais en plus il parle plusieurs langues.


Vingt mille lieues sous les mers est un roman très mystérieux: comme l’on voit tout à travers les yeux du narrateur, Pierre Aronnax, beaucoup de faits demeurent inexpliqués, par exemple les agissements de l’équipage. En effet, à part le Capitaine Nemo et son second, nos personnages ne rencontrent pratiquement personne et déduisent les activités à bord à partir de menus indices, comme les bruits (un hurlement de douleur constituant un indice plutôt terrifiant). Et beaucoup de choses se passent! Le Nautilus attaque, se fait attaquer, fuit, poursuit. Et de tout cela nos personnages - ainsi que le lecteur - ne savent que ce que le capitaine Nemo veut bien leur révéler.


Mais ce qui frappe le plus dans Vingt mille lieues sous les mers, c’est la beauté des fonds marins et des forêts aquatiques, la richesse de la vie animale. Les digressions scientifiques peuvent faire penser à du Moby Dick, donc si vous êtes hermétiques à ce style, passez votre chemin. Les descriptions (très très très longues, entraînez vous avec quelques passages de Balzac) sont autant de tableaux fabuleux et on comprend que malgré son état de prisonnier, Pierre Aronnax ne peut s’empêcher de se délecter de sa vie à bord du Nautilus. D'ailleurs, l'édition Hetzel (qui m'avait gracieusement été offerte par Elf en remerciement de la fidélité de mes parents)(vous me dites si mes confidences vous embarassent) comporte de magnifiques illustrations.



Vingt mille lieues à pied, ça use, ça use.. (pardon)



Ya la même chose à Disneyland!




Oups, spoiler!


Et enfin, un des plus beaux/sexy personnages de la littérature, le capitaine Nemo, qui est en réalité le véritable héros du roman, puisque tout se meut autour de lui, toutes les interrogations portent sur lui , tout dépend de lui - personnage hanté par son passé, en quête de justice et de vengeance dont il tait les motivations, homme de goût et de culture, savant fou, et surtout, véritable démiurge à l’origine d’un monde nouveau.


En un mot comme en cent, lancez vous chers amis! (et ensuite on passera à l’étape suivante: Moby Dick)(c'est du teasing ou je ne m'y connais pas!)


dimanche 15 novembre 2009

Sans nom (No Name) - Wilkie Collins - 1862


C’est Erzébeth, la belle, la merveilleuse, qui m’a fait découvrir Wilkie Collins. Elle a soigneusement empaqueté un exemplaire de la Dame en Blanc, l’a assorti d’un thé noir à la violette et de sucettes, et l’a fait traverser l’Atlantique pour qu’il me parvienne. Depuis, je voue une affection particulière à cet auteur grand ami de Dickens, parce que non seulement il me rappelle une belle surprise, mais en plus parce que c’est un merveilleux écrivain.


Quand on lit Pierre de Lune et la Dame en Blanc, ses deux chefs d’oeuvres, on peut avoir le sentiment que Wilkie Collins est un écrivain de romans policiers avant la lettre - ce qui est vrai car il use beaucoup du secret, du mystère et des procédés d’enquête. Cependant, il n’en fait pas de même dans Sans nom, qui traite cependant d’un sujet beaucoup plus controversé que dans ces deux romans, puisqu’il touche aux lois mêmes de la société victorienne.


Le pitch: Magdalen Vanstone et sa soeur Norah coulent des jours heureux auprès de leurs parents dans leur demeure de Combe-Raven. Seulement les parents en question ont fait de petites bêtises dans leur jeunesse, dont nos pauvres innocentes n’ont jamais eu vent (je ne vous dévoile rien car c’est bien le seul secret du roman, et si c’était ce que vous appréciiez chez Wilkie Collins, je serais bien coupable de vous priver de ce plaisir)(en même temps il n’y a pas cinquante solutions)(et toutes les quatrièmes de couvertures vous le spoileront)(oui oui j’ai fini). Ainsi, quand ils meurent brutalement, Magdalen et Norah apprennent que non seulement elles ne peuvent plus porter le nom de leur père, mais qu’en plus les biens de la famille sont légués au frère de M. Vanstone, qui est naturellement très vil et très infâme. Les deux soeurs prennent deux chemins différents: Norah s’écrase et devient gouvernante, et Magdalen se jure à elle-même de retrouver son héritage légitime ainsi que son nom, s’aidant de sa beauté frappante et de ses dons dramatiques. Il s'agit d'une histoire de vengeance et de lutte contre l'absurdité de la loi.


Si le secret est rapidement éventé, il n’y en a pas moins beaucoup de suspense dans ce livre. En effet, il est composé d’une série tourbillonnante de complots, de contre complots, de contre contre complots, où tout s’enchaîne très rapidement et où la surprise survient en permanence. Les personnages rivalisent de ruse, d’intelligence et d’imagination pour se coincer mutuellement. Le tout avec les bonnes manières anglaises, un cup of tea à la main (gantée) bien sûr, parce que nous sommes entre personnes de bonne compagnie. On a toujours le sentiment que les personnages marchent sur des champs de mines - chers amis, ce livre et mon rythme cardiaque ne firent pas bon ménage.


Je retrouve dans ce roman ce que j’admirais dans la Dame en Blanc, c’est-à-dire la galerie de personnages secondaires hauts en couleur, et dont la personnalité est si débordante qu’elle envahit les personnages principaux, jusqu’à prendre leur place parfois. Le Capitaine Wragge, l’homme qui assiste Magdalen dans sa quête de vengeance, est un de s personnages les plus cools (de la littérature)(la littérature tout court): cet audacieux escroc professionnel, ce chantre de l’agriculture morale - c’est ainsi qu’il se définit - ce farceur joyeux à la prose exhubérante... est tout simplement jubilatoire.


Et puis il y a Magdalen. C’est un très beau personnage de femme, qui se bat pour retrouver son amour qu’elle a perdu en perdant son statut social, mais aussi et surtout pour retrouver son nom et sa dignité. Elle a la stature d’une grande amoureuse, au sens où ce n’est pas la beauté de la relation qui frappe, mais la force de ses sentiments, sa passion, et cela de façon quasi indépendante de l’homme qu’elle aime. Parce que Frank (le jeune homme en question), avouons le, ne prête pas au rêve - c’est un personnage pâle, sans grande personnalité, limite antipathique, et on comprend mal comment une femme aussi flamboyante que Magdalen peut s’éprendre de lui. L’ironie est que Frank ressemble beaucoup à Noel Vanstone, l’ennemi juré de Magdalen. Elle me fait beaucoup penser à Scarlett O Hara: elle ne nous est pas toujours sympathique, elle est parfois agaçante, mais on ne peut s’empêcher de l’admirer.


Le livre interroge beaucoup la morale - est-ce que la vengeance c’est maaal? Jusqu’où la décence nous permet-elle d’aller? La fin apporte sa réponse, un peu décevante pour une lectrice au goût pervers et dépravé comme votre humble servante.


jeudi 12 novembre 2009

Le Jardin secret (The Secret Garden) - Frances Hodgson Burnett - 1911


Le Jardin secret faisait partie de mon top ten quand j’étais enfant. Quand cet été, j’ai eu des envies furieuses de régression, c’est ce livre que j’ai traqué en librairie jusqu’à ce que je le retrouve à Rome. La vie nous fait faire de sacrés détours parfois.


Mary Lennox, jeune fillette anglaise de dix ans, quitte l’Inde après la mort de ses parents pour vivre auprès de son oncle dans le Yorkshire. Pour elle, rien ne change vraiment: les deux pays lui sont hostiles, et elle est toujours aussi solitaire et mal aimée, et pour cause: Mary Lennox est une fille désagréable, autoritaire, méprisante, froide et princesse. Et en plus elle est laide (rien pour elle décidemment). Ses seules occupations sont d’explorer la demeure de son oncle, puis le parc, quand finalement elle entend parler d’un mystérieux jardin emmuré dont la clef aurait été jetée. Quand Mary parvient à pénétrer dans ce jardin, elle fait tout pour le métamorphoser et lui rendre sa splendeur d’antan.


Il y a beaucoup de mystère dans ce livre, ce qui est déjà annoncé dans le titre: pourquoi l’accès à ce jardin est-il interdit? pourquoi est-il défendu d’en parler?

Et au delà du jardin, le mystère plane sur la maison elle-même: pourquoi l’oncle fuit-il la maison? Ce personnage est inquiétant: renfrogné, solitaire, et surtout, affublé d’une bosse. Il est aux limites du monstrueux aux yeux d’un enfant.

Et aussi, quels sont ces cris étranges que l’on entend dans la maison? Qui est la morte qui continue à hanter les habitants et les pièces de la demeure?

Bien sûr, tout a un lien avec le jardin.

Il y a le conte bien sûr (Barbe Bleue et le cabinet interdit), mais pour moi le Jardin secret a surtout des airs de roman gothique - la maison immense aux innombrables pièces obscures qui font un peu penser aux cabinets de curiosité. Et aussi les passages secrets, les rumeurs, les chuchotements, les vieilles histoires que l’on raconte, les tableaux, les êtres mystérieux.


Si Mary n’est pas un personnage très sympathique, on ne peut s’empêcher de s’identifier à elle, puisqu’on la suit dans son enquête. Mary agit comme un détective et je lui trouve presque des airs de Jane Eyre. A sa façon, l’oncle fait beaucoup penser à Rochester. C’est un personnage séduisant, très byronien.


Je pense que le livre est attirant en cela : l’enfant qui se met en tête de percer les secrets des adultes - c’est l’atmosphère de conspiration, de transgression des règles que l’on ne comprend pas, ou du moins que l’on estime injustifiées.


Ce à quoi j’ai été sensible également, c’est la façon dont la nature et la campagne anglaise se mettent à vivre sous nos yeux, à travers Mary qui découvre enfin l’air, le ciel, les plantes et les animaux. On a l’impression que le monde entier s’éveille en même temps que la jeune fillette s’épanouit, dans son esprit mais aussi physiquement. Les odeurs, les textures, les paysages sont décrits avec beaucoup de détails - tout cela est très sensuel en réalité. Loin de moi de suggérer une quelconque salacité - ne vous récriez pas chers amis! - mais finalement, le jardin est une métaphore assez éculée dans ce contexte.


Et à ce sujet, je pense à une parole de chanson qui m’a toujours beaucoup fait rire. Nous qui sommes des personnes de bonne compagnie, nous nous rappelons tous de cette chanson de la comédie musicale «Notre Dame de Paris», «Belle».


Ne m’abandonnez pas maintenant chers amis! Ne vous sentez pas mortifiés!


Retournons à notre propos: «Belle» je disais, donc. Frollo prononce ces paroles inoubliables: «O Notre Dame, o laisse moi rien qu’une fois pousser la porte du jardin d’Esmeralda».

Vous ne trouvez pas que ça vaut de l’or? Cette métaphore m’a toujours fait hurler de rire - j’avais douze ans et j’étais peu au fait des choses de la vie, mais alors ces paroles..


Reprenons.


Au final, j’ai découvert une histoire différente de celle que j’avais lue étant petite, et en même temps je m’en rappelais très précisément au fur et à mesure de la lecture. Je m’aperçois maintenant que les personnages ont une véritable épaisseur et sont relativement atypiques. L’histoire est assez riche, avec plein de potentialités, contenues entre autres dans les pièces du manoir, dans les relations entre les adultes que l’enfant ne comprend pas nécessairement.


Un bémol cependant - j’ai trouvé que le texte était assez répétitif en ce qui concernait la description de la nature. On en trouve à toutes les pages, donc l’herbe qui sent bon, l’air qui est frais et toussa, ça finit par agacer.

Et j’ai un peu tiqué sur la conception que l’auteur véhicule de l’Inde comme lieu mortifère où l’enfant - l’anglaise - ne peut s’épanouir. Signifiait-elle une quelconque supériorité de l’Angleterre? l’Inde est-elle source de langueur par nature? ou le fait que chacun chez soi et les vaches seront bien gardées? ou alors un échec du colonialisme?


Un livre que je vous recommande tout de même chaleureusement chers amis!

mardi 10 novembre 2009

Lever de rideau.


Comment mieux se réinsérer qu’avec un bon vieux tag? Ce coup au derrière m’a gracieusement été asséné par Fashion - mise au pied du mur, je m’exécute, non sans un certain plaisir. Lever de rideau:


1- Un film que vous regardiez étant jeune et qui vous remplit de souvenirs :

Tous les Disney en fait. Tout ce que je sais, je le leur dois:


- comment cuisiner (Fauna dans La Belle au Bois Dormant)


- comment lire (Gaston dans La Belle et la Bête)



- comment ensorceler un homme (Ursula dans la petite sirène)(paraît que les hommes adorent les femmes qui savent se taire)


- comment faire les bébés (la cigogne dans Dumbo)




2- Un film que vous connaissez absolument par coeur :

Moulin Rouge. Je l’ai tellement regardé que le dévédé devient tout vert quand il me voit. Et ça fait un moment qu’il se cache d’ailleurs.





3- Un film qui a bouleversé votre jeunesse :

Le Cercle des poètes disparus - oui je sais, je suis une caricature. Mais voilà, maintenant je lis, je lis en anglais, je lis de l’anglais devant des gens qui veulent bien m’écouter (et m’appeler mon capitaine)(non, personne ne le fait en réalité). Et je suis toujours Robert Sean Leonard chez le Docteur House.






4- Un film que vous auriez aimé écrire/produire :

J’aurais bien dit Certains l’aiment chaud de Billy Wilder, car c’est mon film préféré, mais il parait que ce fut un cauchemar à tourner. Il fallait une soixantaine de prises à Marilyn Monroe pour prononcer correctement «It’s me, Sugar!» ou «Where’s the bourbon?»

«A la fin, embrasser Marilyn Monroe c’était comme embrasser Hitler» dira plus tard Tony Curtis. C’est tellement hilarant!



C'est vrai qu'il n'a pas l'air très content d'être là.


Donc pas Certains l’aiment chaud, mais La Nuit américaine de Truffaut. Car pour faire ce film, il fallait avoir fait tous les films précédents.





5- Un film qui vous a donné envie de faire du cinéma :

Tous les films avec Katharine Hepburn - incarner une belle femme intelligente, spirituelle, lunatique, élégante, doucement folle, capricieuse, pétillante

m'a toujours parlé.




6- Un film que vous avez regardé plus d'une fois :

Des indices se cachent dans les réponses précédentes.


7- Le film que vous avez vu en dernier au cinéma :

L’invasion des profanateurs de sépulture - voir la note ci dessous.


8- Un film dont vous avez regretté d'avoir payé la place :

Blueberry. J’ai passé deux heures abominables. Mauvais western prétentieux, qui n’a pas les moyens de sa prétention, en plein délire mysticisme et avec une séquence hallucinogène complètement bidon. Des acteurs en carton, qui, avec le recul, me font pas mal penser aux monstres de l’Invasion des profanateurs de sépultures.. (voir la note ci-dessous)


9- Un film qui vous fait réfléchir sur la vie :

Je ne réfléchis pas sur la vie.


10- Un film qui vous a donné envie de tomber amoureuse :

Sissi, le un, où elle rencontre Franz

Aaaaaah la grande déclaration dans la forêt

et au bal, quand il la choisit

Mon coeur défaille.



J'ai refoulé la coupe de cheveux de Franz. Donc on va lui laisser son chapeau.



11- Un film qui vous a fait tordre de rire :

Sacré Graal.

Regardez, l'affiche ne vous fait pas déjà rire?



12- Un film qui vous a révélé un acteur que vous suivez à présent :

Arsenic et vieilles dentelles pour Cary Grant.

D’ailleurs j’ai appris pas plus tard que la semaine dernière que cet homme était bisexuel et même qu’il portait des sous vêtements féminins sous ses costumes si bien coupés. Bon sang, vous pensez que dans les Hitchcock..


Quoique, cela pourrait être pas mal quand on y pense.


13- Un film qui vous a fait pleurer comme une madeleine :

Armaggeddon. Vu huit fois, pleuré sept fois et demi. Quand Bruce Willis se sacrifie pour sauver le monde. Comme il le fait toujours. Ne dites rien.




14- Un film dont vous avez aimé un personnage en particulier :

Kim Novak dans Embrasse moi idiot. Je l’ai trouvé très belle dans son rôle de serveuse-prostituée un rien vulgaire, mais avec tellement de chien! Et émouvante avec son rêve, un tout petit rêve, juste acheter une voiture pour pouvoir partir. Et aussi cette façon qu’elle a d’être émerveillée par le rôle qui est le sien pendant une soirée - même si elle est constamment ramenée sur terre.

Un très beau personnage, subtil, touchant et fascinant.



15- Un film que vous regardez chaque année :

La caverne de la rose d’or. Je ne sais pas si ça compte puisque c’est un téléfilm. En quatre épisodes. De trois heures chacun. Bon, on va dire que ça compte.

Cultissime! Le monde merveilleux de la princesse Fantaghiro, qui comporte entre autres ces deux créatures:


Lui


et lui.


Celui-ci se bat contre son double à un moment donné. Mes sels!



Tout est dit.



Je ne refile le tag à personne, histoire de ne pas me faire mal voir tout de suite, n’est-ce pas. Mais le prochain..