jeudi 12 novembre 2009

Le Jardin secret (The Secret Garden) - Frances Hodgson Burnett - 1911


Le Jardin secret faisait partie de mon top ten quand j’étais enfant. Quand cet été, j’ai eu des envies furieuses de régression, c’est ce livre que j’ai traqué en librairie jusqu’à ce que je le retrouve à Rome. La vie nous fait faire de sacrés détours parfois.


Mary Lennox, jeune fillette anglaise de dix ans, quitte l’Inde après la mort de ses parents pour vivre auprès de son oncle dans le Yorkshire. Pour elle, rien ne change vraiment: les deux pays lui sont hostiles, et elle est toujours aussi solitaire et mal aimée, et pour cause: Mary Lennox est une fille désagréable, autoritaire, méprisante, froide et princesse. Et en plus elle est laide (rien pour elle décidemment). Ses seules occupations sont d’explorer la demeure de son oncle, puis le parc, quand finalement elle entend parler d’un mystérieux jardin emmuré dont la clef aurait été jetée. Quand Mary parvient à pénétrer dans ce jardin, elle fait tout pour le métamorphoser et lui rendre sa splendeur d’antan.


Il y a beaucoup de mystère dans ce livre, ce qui est déjà annoncé dans le titre: pourquoi l’accès à ce jardin est-il interdit? pourquoi est-il défendu d’en parler?

Et au delà du jardin, le mystère plane sur la maison elle-même: pourquoi l’oncle fuit-il la maison? Ce personnage est inquiétant: renfrogné, solitaire, et surtout, affublé d’une bosse. Il est aux limites du monstrueux aux yeux d’un enfant.

Et aussi, quels sont ces cris étranges que l’on entend dans la maison? Qui est la morte qui continue à hanter les habitants et les pièces de la demeure?

Bien sûr, tout a un lien avec le jardin.

Il y a le conte bien sûr (Barbe Bleue et le cabinet interdit), mais pour moi le Jardin secret a surtout des airs de roman gothique - la maison immense aux innombrables pièces obscures qui font un peu penser aux cabinets de curiosité. Et aussi les passages secrets, les rumeurs, les chuchotements, les vieilles histoires que l’on raconte, les tableaux, les êtres mystérieux.


Si Mary n’est pas un personnage très sympathique, on ne peut s’empêcher de s’identifier à elle, puisqu’on la suit dans son enquête. Mary agit comme un détective et je lui trouve presque des airs de Jane Eyre. A sa façon, l’oncle fait beaucoup penser à Rochester. C’est un personnage séduisant, très byronien.


Je pense que le livre est attirant en cela : l’enfant qui se met en tête de percer les secrets des adultes - c’est l’atmosphère de conspiration, de transgression des règles que l’on ne comprend pas, ou du moins que l’on estime injustifiées.


Ce à quoi j’ai été sensible également, c’est la façon dont la nature et la campagne anglaise se mettent à vivre sous nos yeux, à travers Mary qui découvre enfin l’air, le ciel, les plantes et les animaux. On a l’impression que le monde entier s’éveille en même temps que la jeune fillette s’épanouit, dans son esprit mais aussi physiquement. Les odeurs, les textures, les paysages sont décrits avec beaucoup de détails - tout cela est très sensuel en réalité. Loin de moi de suggérer une quelconque salacité - ne vous récriez pas chers amis! - mais finalement, le jardin est une métaphore assez éculée dans ce contexte.


Et à ce sujet, je pense à une parole de chanson qui m’a toujours beaucoup fait rire. Nous qui sommes des personnes de bonne compagnie, nous nous rappelons tous de cette chanson de la comédie musicale «Notre Dame de Paris», «Belle».


Ne m’abandonnez pas maintenant chers amis! Ne vous sentez pas mortifiés!


Retournons à notre propos: «Belle» je disais, donc. Frollo prononce ces paroles inoubliables: «O Notre Dame, o laisse moi rien qu’une fois pousser la porte du jardin d’Esmeralda».

Vous ne trouvez pas que ça vaut de l’or? Cette métaphore m’a toujours fait hurler de rire - j’avais douze ans et j’étais peu au fait des choses de la vie, mais alors ces paroles..


Reprenons.


Au final, j’ai découvert une histoire différente de celle que j’avais lue étant petite, et en même temps je m’en rappelais très précisément au fur et à mesure de la lecture. Je m’aperçois maintenant que les personnages ont une véritable épaisseur et sont relativement atypiques. L’histoire est assez riche, avec plein de potentialités, contenues entre autres dans les pièces du manoir, dans les relations entre les adultes que l’enfant ne comprend pas nécessairement.


Un bémol cependant - j’ai trouvé que le texte était assez répétitif en ce qui concernait la description de la nature. On en trouve à toutes les pages, donc l’herbe qui sent bon, l’air qui est frais et toussa, ça finit par agacer.

Et j’ai un peu tiqué sur la conception que l’auteur véhicule de l’Inde comme lieu mortifère où l’enfant - l’anglaise - ne peut s’épanouir. Signifiait-elle une quelconque supériorité de l’Angleterre? l’Inde est-elle source de langueur par nature? ou le fait que chacun chez soi et les vaches seront bien gardées? ou alors un échec du colonialisme?


Un livre que je vous recommande tout de même chaleureusement chers amis!

12 commentaires:

  1. Moi c'était La petite princesse! J'adorais le film! Et finallement j'ai découvert le livre il y a quelques années...
    Je n'ai pas encore lu celui-ci, mais j'y compte bien!

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  2. Han pareil, dans mon top dix de quand j'étais petite

    Pour ma fille je lui ai offert le bouquin de La petite princesse, qu'elle est entrain de lire, et l'adaptation cinématographique du Jardin Secret, qu'elle adore! Je compte lui offrir le livre bientôt :)

    Je retrouve vraiment le livre et mes sentiments d'enfant en lisant ta critique, chapeau!

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  3. Mais pourquoi on ne m'a jamais parlé de cette histoire ? C'est vrai que j'ai eu droit à "La petite Princesse" (j'adore), mais c'était pas une raison pour s'arrêter en si bon chemin. Ce que tu en dis est fort alléchant, malgré aussi tes réticences d'adulte.
    Tu as vu le film ? C'est bien ?
    Tu as la belle édition que tu as mise en illustration ? (cette couverture est TROP belle)

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  4. * Allie, je n'ai jamais vu le film, mais j'adorais la série animée! "Princeesse Saaaraaah, tu es bien jolie (tu es bien jolie).." :D Le livre est génial aussi, il faut que je le relise aussi.

    * A n g e l, merci beaucoup! et ta fille en a de la chance!

    * Erzébeth, à vrai dire, ce livre est beaucoup moins connu que "la petite princesse" et je ne sais même pas comment je suis tombée dessus. Mais fonce! En plus c'est court.
    Je n'ai pas vu le film, non.
    Et non, je n'ai pas la belle édition, mais je l'ai choisie parce que je la trouve tellement mignonne! Moi j'ai la version Penguin.

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  5. C'est étrange, je n'ai jamais vu le dessin animé! Je ne connaissais pas avant que quelqu'un m'en parle suite à ma lecture du livre! Par contre le film, est tout simplement fabuleux!

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  6. Pas lu, pas vu, de même que "La petite princesse", LE livre préféré de ma mère, mais introuvable quand j'étais enfant (il y a 10 ans, donc...:)))
    Va falloir remédier à toute cette inkulture. :)

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  7. Ah, Céline, merci de chantonner le générique de "Princesse Sarah", j'aime trop !
    Tu trouves pas, ceci dit, que ladite Sarah est d'une pâleur maladive ? Enfant, je m'inquiétais pour elle (je sais bien qu'elle était triste, abandonnée, et maltraitée, mais c'est pas des raisons, sa pâleur me causait beaucoup de soucis)
    (hum)

    Fashion, je suis tellement triste pour toi. Une enfance de détruite, encore une. ;)

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  8. * Allie, j'essaierai de le trouver, tout ça m'a l'air fort sympathique!

    * Fashion, je suis d'accord avec Erzébeth: encore une enfance qui a été volée.

    * Erzébeth, "tu viens
    à l'aide
    de tous tes amis
    (de tous tes amis)
    princesse saraaaah
    les yeux pleins de joie"

    Mais moi j'aimais sa pâleur: limite je trouvais ça romantique.

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  9. Je ne connais pas non plus... du coup ton billet est très intrigant (les mystères d'Udolphe avec une héroïne de dix ans ?).
    Sinon il y en a qui font de bien étranges prières à Notre-dame, tu as raison ;)

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  10. Lu il y a peu, décidément pas de classiques anglais chez moi quand j'étais petite ou quoi? En tout cas pour l'Inde je sais: il faisait beaucoup trop chaud pour les anglais!!

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  11. * Rose, je n'ai pas lu les mystères d'Udolphe (erreur!), donc je n'oserais faire une comparaison.. Mais une mini Jane Eyre, oui, certainement.
    Et tu as raison: ce triste sire ne manque pas de culot!

    * Loula, j'adore ta réponse pragmatique et pleine de bon sens! ben oui, il faisait tout simplement trop chaud! En tout cas, il n'est pas trop tard pour rattraper ton enfance perdue! ;)

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  12. Excellent work on this article. It should help a lot of new users.

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