dimanche 15 novembre 2009

Sans nom (No Name) - Wilkie Collins - 1862


C’est Erzébeth, la belle, la merveilleuse, qui m’a fait découvrir Wilkie Collins. Elle a soigneusement empaqueté un exemplaire de la Dame en Blanc, l’a assorti d’un thé noir à la violette et de sucettes, et l’a fait traverser l’Atlantique pour qu’il me parvienne. Depuis, je voue une affection particulière à cet auteur grand ami de Dickens, parce que non seulement il me rappelle une belle surprise, mais en plus parce que c’est un merveilleux écrivain.


Quand on lit Pierre de Lune et la Dame en Blanc, ses deux chefs d’oeuvres, on peut avoir le sentiment que Wilkie Collins est un écrivain de romans policiers avant la lettre - ce qui est vrai car il use beaucoup du secret, du mystère et des procédés d’enquête. Cependant, il n’en fait pas de même dans Sans nom, qui traite cependant d’un sujet beaucoup plus controversé que dans ces deux romans, puisqu’il touche aux lois mêmes de la société victorienne.


Le pitch: Magdalen Vanstone et sa soeur Norah coulent des jours heureux auprès de leurs parents dans leur demeure de Combe-Raven. Seulement les parents en question ont fait de petites bêtises dans leur jeunesse, dont nos pauvres innocentes n’ont jamais eu vent (je ne vous dévoile rien car c’est bien le seul secret du roman, et si c’était ce que vous appréciiez chez Wilkie Collins, je serais bien coupable de vous priver de ce plaisir)(en même temps il n’y a pas cinquante solutions)(et toutes les quatrièmes de couvertures vous le spoileront)(oui oui j’ai fini). Ainsi, quand ils meurent brutalement, Magdalen et Norah apprennent que non seulement elles ne peuvent plus porter le nom de leur père, mais qu’en plus les biens de la famille sont légués au frère de M. Vanstone, qui est naturellement très vil et très infâme. Les deux soeurs prennent deux chemins différents: Norah s’écrase et devient gouvernante, et Magdalen se jure à elle-même de retrouver son héritage légitime ainsi que son nom, s’aidant de sa beauté frappante et de ses dons dramatiques. Il s'agit d'une histoire de vengeance et de lutte contre l'absurdité de la loi.


Si le secret est rapidement éventé, il n’y en a pas moins beaucoup de suspense dans ce livre. En effet, il est composé d’une série tourbillonnante de complots, de contre complots, de contre contre complots, où tout s’enchaîne très rapidement et où la surprise survient en permanence. Les personnages rivalisent de ruse, d’intelligence et d’imagination pour se coincer mutuellement. Le tout avec les bonnes manières anglaises, un cup of tea à la main (gantée) bien sûr, parce que nous sommes entre personnes de bonne compagnie. On a toujours le sentiment que les personnages marchent sur des champs de mines - chers amis, ce livre et mon rythme cardiaque ne firent pas bon ménage.


Je retrouve dans ce roman ce que j’admirais dans la Dame en Blanc, c’est-à-dire la galerie de personnages secondaires hauts en couleur, et dont la personnalité est si débordante qu’elle envahit les personnages principaux, jusqu’à prendre leur place parfois. Le Capitaine Wragge, l’homme qui assiste Magdalen dans sa quête de vengeance, est un de s personnages les plus cools (de la littérature)(la littérature tout court): cet audacieux escroc professionnel, ce chantre de l’agriculture morale - c’est ainsi qu’il se définit - ce farceur joyeux à la prose exhubérante... est tout simplement jubilatoire.


Et puis il y a Magdalen. C’est un très beau personnage de femme, qui se bat pour retrouver son amour qu’elle a perdu en perdant son statut social, mais aussi et surtout pour retrouver son nom et sa dignité. Elle a la stature d’une grande amoureuse, au sens où ce n’est pas la beauté de la relation qui frappe, mais la force de ses sentiments, sa passion, et cela de façon quasi indépendante de l’homme qu’elle aime. Parce que Frank (le jeune homme en question), avouons le, ne prête pas au rêve - c’est un personnage pâle, sans grande personnalité, limite antipathique, et on comprend mal comment une femme aussi flamboyante que Magdalen peut s’éprendre de lui. L’ironie est que Frank ressemble beaucoup à Noel Vanstone, l’ennemi juré de Magdalen. Elle me fait beaucoup penser à Scarlett O Hara: elle ne nous est pas toujours sympathique, elle est parfois agaçante, mais on ne peut s’empêcher de l’admirer.


Le livre interroge beaucoup la morale - est-ce que la vengeance c’est maaal? Jusqu’où la décence nous permet-elle d’aller? La fin apporte sa réponse, un peu décevante pour une lectrice au goût pervers et dépravé comme votre humble servante.


7 commentaires:

  1. Tu fais le challenge Wilkie Collins ? :)

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  2. Voilà que tu me donnes envie de retenter cet auteur...

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  3. Ton premier paragraphe me rappelle des souvenirs émus... et je suis TELLEMENT contente que tu continues d'aimer W. Collins !! (moi, j'en suis toujours au même point : un seul livre lu. La honte). Puis tu en parles trop bien. Charles avait vraiment de bons amis.

    (pour quelqu'un qui voulait un peu "alléger" ses lectures, tu ne trouves pas tes achats légèrement contradictoires ? Je sais, va. L'erreur est humaine :) )

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  4. J'ai été très déçue par "La Dame en blanc", mais j'ai toujours ce livre dans ma PAL, donc je pense le lire cette année. Je suis sûre que Wilkie saura se faire pardonner.

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  5. * Fashion, j'ai du mal avec les challenges, mais c'est vrai que celui ci ne va pas être compliqué! Pourquoi pas, surtout vu que j'en ai d'autres sur ma liste!

    * Mo, tu m'en vois ravie!

    * Erzébeth, merci pour me l'avoir fait découvrir! Et il faut absolument que tu découvres les autres enfin!
    (et pour répondre à ta remarque qui, pour être entre parenthèses, n'en est pas moins perfide, je te ferais remarquer que les dits livres ne sont pas de grands récits mythologiques, et ont la taille requise de moins de six cent pages. Mission accomplie donc. Fin de la parenthèse.)

    * Lilly, c'est trop dommage que tu n'aies pas aimé! Si c'est l'intrigue qui ne t'a pas accroché, lance toi pour les autres, mais si c'est le style un peu labyrinthique, j'ai bien peur que tu ne sois déçue par les autres.. Enfin, tu nous en donneras des nouvelles!

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  6. Je déambulais au rayon littérature anglaise du 19e de ma bibliothèque, à la recherche d'un Austen à relire, quand je suis tombée sur ce livre qui me disait quelque chose - grâce à vous-. Je n'ai pas regretté de l'avoir pris et de m'y être plongée (sauf à regretter deux jours passé à lire et négliger mes devoirs professionnels et familiaux)

    Merci!!

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  7. * Rien ne pourrait me faire plus plaisir que ce commentaire! Merci beaucoup!

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