jeudi 28 janvier 2010

David Copperfield - Charles Dickens - 1849




J’espère que vous ne commencez pas à saturer de Dickens - je sais qu’il a été abondamment commenté ces derniers temps sur l’Internet mondial. Cela dit, aucune trace de David Copperfield.


Dickens est un des tout premiers auteurs que j’ai découvert, sinon le premier - malheureusement, ma mémoire me fait défaut ici. Si un étrange individu prétendant être mon géniteur se manifeste en ces lieux, et affirme qu’en vrai, mes premiers livres sont les Monsieur Bonhommes, n’y prenez garde - tout cela n’est que diffamation.



Je connaissais quatre romans par coeur: David Copperfield, Oliver Twist, Les Grandes espérances, et Un Conte de deux cités. Je les ai lus des dizaines de fois chacun, et certaines images m’ont accompagnées depuis, comme David se faisant battre par son beau père, Miss Havisham et son gâteau moisi, Pip dans le cimetière, Oliver et sa gamelle. Je me suis donc imaginé - à tort - que je n’avais pas besoin de les relire, que tout ça faisait partie de moi, et que je maîtrisais grave.


Mais récemment, je me disais que ça faisait quand même une douzaine d’années que je n’avais pas remis le nez dedans. Un de mes voeux pour cette année étant de relire, j’ai relu, et j’ai commencé par David Copperfield. Il s’agit de la vie de David Copperfield racontée par David Copperfield, de son enfance malheureuse et misérable à son mariage, à son statut d’auteur à succès - du looser au beau gosse en somme.

Lorsque David naît, il n’a déjà plus de père, qui meurt six mois avant sa naissance. Il ne manque cependant pas d’amour, entouré qu’il est de sa jolie mère, jeune et frivole, et de sa nourrice Peggotty. Un jour, son bonheur disparaît avec le remariage de sa mère avec Edward Murdstone, dont la soeur emménage avec eux peu de temps après. David et son beau père se détestent et ne s’en cachent pas (ambiance). Toute relation devient impossible le jour où Murdstone lève la main sur David, et où celui ci le mord pour se défendre. David est alors envoyé loin de chez lui en pensionnat, où il fait la rencontre de Steerforth le beau gosse et de Tommy le boulet.



Bizarrement, de David Copperfield, je n’avais retenu que l’enfance, sûrement parce que je ne comprenais pas les histoires d’adultes, avec leurs mots bizarres comme «dettes», «droit», «lois». En relisant, je vois ce qui m’attirait dans cette première partie: c’est la dimension de conte, avec la jolie maman, le beau père monstrueux, la maison-bateau, le pensionnat de garçons où ils se racontent des histoires la nuit venue. Jane Eyre et David Copperfield seraient ici à comparer - comme si les deux adultes qui racontent leurs parcours réinjectaient dans leur discours la part de merveilleux qui leur avait été nécessaire pour supporter les vexations et privations de leur enfance d’orphelins.


Mais cette fantaisie, jamais dépourvue d’humour, se retrouve dans tout le roman, de façon plus ou moins appuyée, et je pense que c’est ce que j’aime chez Dickens. Donc une bonne fois pour toutes: NON, Dickens n'écrit pas ses histoires d'orphelins pour faire pleurer dans les chaumières. NON, Dickens n'est pas larmoyant. NON, ce n'est pas uniquement sentimental.

Il plante un décor quotidien très réaliste, irréfutable jusqu’au moindre détail. Londres est ici un véritable personnage, avec la description des rues sombres, ses cabinets d’avocats, ses commerces. Puis il introduit des personnages étranges, avec une légère distorsion. Par exemple, Uriah Heep est un personnage très crédible: il s’agit d’un pauvre associé d’avocat prêt à tout pour réussir. Mais la narration lui donne une viscosité, une onctuosité, une malignité, qui le rendent proprement dégoûtant, à la façon d’un Jafar. Un autre personnage, M.Dick, est considéré comme un peu fou, obsédé qu’il est par Charles 1er (et pourquoi pas?) et les cerfs volants. Même quelqu’un comme Tommy Traddles a une part d’étrangeté, avec les squelettes qu’il dessine un peu partout. Les personnages présentent donc tous des caractéristiques bizarres, des manies qui les définissent, qui les cadrent, et qui reviennent comme des leitmotivs. Ils sont tellement fixés dans leur nature, caricaturés, qu’on dirait parfois des personnages de conte noir, ou de comédie, au choix. Vous trouvez pas que Murdstone est un nom de méchant hyper méchant?

Virginia Woolf et Henry James trouvaient que les oeuvres de Dickens n’étaient pas hyper réalistes - genre pas crédible. Malgré tout le respect que je leur dois - C’EST CA QUI EST COOL!!!



Il y a l’exception notable de David, qui n’a jamais de personnalité fixe dans le roman - il n’est pratiquement jamais appelé par son prénom, ce qui en dit long. C’est un des rares personnages à changer: il est intéressant de voir comment il reproduit certains schémas de son enfance - lui dans le rôle du persécuteur cette fois-ci.

J’ai l’impression que seuls les enfants de l’enfance de David semblent évoluer dans le roman - les adultes n’ont jamais l’air de vieillir, mais demeurent fidèles à eux mêmes.



En tout cas, moi j’ai un peu évolué depuis l’enfance, et maintenant que je suis grande, non seulement je suis capable de comprendre les histoires de dettes, de lois, de droit, tout ça, mais en plus je vois du sexe là où je ne voyais que concordance parfaite entre les êtres. David et Steerforth n’auraient-ils pas une attirance homosexuelle l’un à l’égard de l’autre? Et l’oncle Peggotty entretient-il un amour tout à fait pur pour sa nièce Emily? La façon dont il parcourt le pays pour la retrouver, tel un Rochester enfiévré recherchant sa Jane, nous laisse penser le contraire. Et la pauvre Agnès, la «soeur», «l’ange», n’a-t-elle pas envie de se révéler comme être sexué? Dora n’est-elle pas l’incarnation de la propre mère de Davis?

Sachez le: David Copperfield, c’est chaud.


En relisant Dickens, j’ai dépassé la simple intrigue pour découvrir son inquiétante étrangeté, son humour, ses personnages légèrement difformes. J’ai trouvé un nouveau livre en David Copperfield, et pour cela je vais faire une petite danse de la joie dans mon salon.



PS: Oui, je sais que mes images n'ont aucun rapport avec mon texte. Mais l'important est qu'elles aient un rapport avec le roman? Non?


15 commentaires:

  1. J'aime beaucoup les gravures. C'est sympa pour illuster le billet.

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  2. Un jour peut-être je trouverai le courage de retenter Dickens...

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  3. C'est un roman que je vais lire très bientôt, puisqu'il fait parti de mon challenge ABC 2010. Et Oliver Twist va être lu pour la fin mars. Cette année sera une année Dickens pour moi...

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  4. Il me semble avoir vu un billet récent sur ce roman, mais où?
    Bref je l'ai lu aussi mais il y a tellement longtemps que je crois seulement le connaitre. Une prochaine lecture? Ou alors ses moins connus? (et quasiment impossibles à trouver en français hors pleiade, vraiment les éditeurs ne sont pas cool)
    Oui, Dickens ne parle pas que d'orphelins mal lotis, d'ailleurs je n'aime pas trop Oliver Twist à cause de cela.
    je te recommande Bleak house, ça c'est de l'histoire! Et d'après l'acteur qui l'a interprété pour la BBC, le méchant aurait des tendances homosexuelles, ce qui te confortera dans ton opinion sur Dickens c'est chaud...

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  5. * La plume et la page, merci! C'était une idée de dernière minute..

    * Mo, qu'est-ce qui t'a découragée?

    * Malorie/Ellcrys, 2010 sera donc une bonne année! :) Pour moi aussi ce sera une année Dickens... à suivre...(ou pas)

    * Keisha, tu viens vraiment de m'apprendre un truc! Dickens ne serait donc pas publié dans son intégralité en France?? je trouve ça fou, c'est quand même le plus grand victorien! Après, les Pleiades on peut toujours les emprunter en bibliothèque, mais bon...
    Je retiens Bleak House alors! Il me fait un peu peur parce que les histoires de lois, de cours de justice, je ne suis pas toujours... Mais c'est bien lisible alors?

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  6. Sexe, dettes de jeu et...
    Ca a l'air cool dis donc ! Je pensais justement à reprendre Dickens cette semaine, donc pourquoi pas !

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  7. Si, il est publié en pleiade, mais on ne les trouve pas toutes en bibli (ma bibli a refusé d'acheter Bleak house, mais je l'ai trouvé autrement).
    Un très bon roman , à ce jour le meilleur sans doute, mais j'ai peu de souvenirs de David Copperfield et des autres que j'ai lus, alors...
    Bleak house : Pas trop d'histoires de justice en fait, quelques passages et envolées lyriques ou sarcastiques comme d'hab chez Dickens, mais aussi une superbe histoire, des personnages géniaux, et une adaptation BBC à voir absolument, mais après lecture!

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  8. J'ai longtemps pensé l'avoir découvert trop jeune, mais vu ton billet ce n'est pas ça le problème!
    Je me souviens juste m'être très ennuyée... J'étais en 5e je crois, il serait vraiment temps de lui redonner sa chance, mais il y a tellement d'autres livres!!

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  9. Aurais-tu remarqué que moins tu comprends les blagues carambar, mieux tu comprends Dickens?
    Et psst, ton remariage ne manque pas d'air ;-)

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  10. ... et que ton Peggoty n'éTAIT plus ce qu'il éTAIT?
    Je n'en dis pas plus! Ces quelques indices devraient t'occuper la soirée ;-)

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  11. Je t'imagine, mignonne petite fille, en train de lire Dickens alors que pendant ce temps, je faisais des élevages d'escargots dans des boîtes à chaussures... Les enfances ne se ressemblent pas, on dirait.
    "David Copperfield" est un Dickens qui ne m'a jamais trop tentée, parce que je croyais que ça ressemblait fort à "Oliver Twist". Et bon, on dira ce qu'on voudra, mais "Oliver Twist", c'est un peu pénible. Mais tu me confirmes le contraire et tu me donnes envie, en plus c'est un des rares titres de Dickens trouvable en français, c'est merveilleux, la vie est belle.

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  12. * Lilly, je suis moi même très dickensienne en ce moment.. Hâte de lire ton avis!

    * Keisha, franchement tu m'as convaincue! Là j'ai Hard Times et Our Mutual Friend sous la main - le suivant sera Bleak House! Et sinon cette histoire de traduction est très étonnante. Je vais en parler à mes Maîtres (= profs de littérature victorienne)

    * Mo, allez allez allez, laisse toi convaincre! Dickens est un des plus grands victoriens, ses romans sont merveilleux, ne loupe pas ça!!

    * Tu es bien sibylline Sibylline... Serais tu en train de me signaler des fautes? Pour Peggoty, je peux peut être expliquer: c'est le nom de deux personnages : la nourrice et l'oncle. Ils sont appelés pareil dans le bouquin. Mais pour le coup du remarriage, alors là...

    * Trop mignon le coup des escargots!!!! :)))) tu me mets en joie!!
    Oui je lisais DIckens, mais en fait je ne comprenais pas grand chose.. On vivait dans un pays lointain sans télé, donc je m'amusais comme je pouvais. (wouhou!)
    D.C n'est pas du tout comme O.Twist! (si mes souvenirs sont bons) Je crois qu'O.Twist est plus tire-larmes.
    Je vais soumettre cette histoire de traduction à des gens haut placés - je trouve ça limite scandaleux que tout Dickens ne soit pas traduit.

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  13. En fait ce sont 2 rébus, cherche un peu, inspecteur renardo...
    ;-)

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  14. Cool, ton blog me prend pour le webmaster, n'est ce pas assez sibyllin?

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  15. * Sib, je ne vois vraiment pas. Ces deux rébus sont liés? Ils forment un mot? Je vois pas.

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