lundi 8 mars 2010

Basil - Wilkie Collins - 1852





Avertissement: comme je n'ai pas trouvé de photos potables de la couverture du livre, je vous ai mis de jolies photos de basilic - car comme chacun le sait, "basil" en anglais veut dire basilic.




Basil, jeune et innocent aristocrate (notez le degré de raffinement de ces lieux chers amis: je n’ai pas utilisé le mot de trois lettres commençant par «c» et finissant par «on», j’ai dit «innocent») tombe amoureux fou au premier regard de la fille du drapier - la belle, la sensuelle, la sombre Margaret Sherwin. Dans le bus.

(alors que son visage était dissimulé par une voilette et qu’il ne lui a pas adressé la parole - c’est n’importe quoi ou bien? Si ça vous est déjà arrivé, amis lecteurs, je veux bien manger les pages de cinq cent treize Harlequins sans me plaindre. Juste signalez-le dans les commentaires)

Le bus donc. Notre jeune fou décide sans plus attendre de l’épouser et va lui demander son avis (enfin celui de son père, parce que c’est pareil). Le père est plutôt d’accord - jugez-en, le jeunot est aristocrate! Le problème est que le père de Basil, lui, ne voudrait pas de la fille d’un vulgaire marchand. (bien vulgaire le marchand, avec sa maison de nouveau riche et ses manières de commerçant - l’argent c'est sale, vous savez bien)

Le mariage est donc contracté en secret, et puisque Margaret est trop jeune, Basil accepte de ne consommer le mariage qu’un an après. Il a le droit de lui rendre visite chez ses parents (car Mr Sherwin est grand et magnanime), mais de chair il ne saurait être question. Ce mariage secret et chaste se déroule plutôt pas mal, aussi bien que les circonstances le permettent, jusqu’à l’arrivée de l’inexpressif, glaçant, et très respectable Mr Mannion. Basil se rend alors compte que ce simple clerc possède une grande emprise sur la famille, et que pas une décision n’est prise sans lui. Au bout d’un an, le jour où les deux amoureux peuvent enfin se livrer sans retenue aux plaisirs de la chose, Basil apprend qu’il a été la victime d’une vaste machination.


(Espérons que les parenthèses cesseront dans la suite de ce billet, mais je ne vous garantie rien - elles débarquent sans crier gare. (les bougresses!))


Si vous avez surmonté l’épreuve des parenthèses, vous vous serez aperçus que j’ai un regard un peu distancié sur ce premier roman de W.Collins. Beaucoup d’éléments me paraissent peu plausibles - cette histoire de coup de foudre dans le bus, le mariage non consommé (vous en connaissez beaucoup des garçons - et des filles aussi - qui veulent bien regarder sans toucher pendant 365 jours?), et la machination me paraît un peu tirée par les cheveux. Pour le coup, les trop nombreuses coïncidences m’ont parues suspectes, et pourtant Dieu sait que je ne demande qu’à croire tout ce qu’on me dit! Disons que sur un roman aussi court, ça gêne.


Et puis j’ai trouvé la narration à la première personne un peu trop explicite, longuette et développée. Les rêves qu’il fait sont livrés clefs en main - pas besoin de consulter Sigmund pour les décoder.



Oooopsie


Mais vous serez peut-être surpris d'apprendre que cette lecture a tout de même été très agréable. Déjà parce que ça se lit tout seul, comme à l’accoutumée chez Collins. L’écriture est fluide, l’intrigue tient en haleine, même si ça n’est pas du niveau de ses chefs d’oeuvres. Il y a de la folie, de la vengeance, de la fureur, de la trahison, de la faucheuse, de l’exil, du tourment, de la baston, et je n’ai pas peur de le dire haut et fort: je kiffe le sensationnel! (et je devrais peut-être même en faire un logo) Même si le tout débarque dans la deuxième partie du roman et parait un poil trop concentré.


Il pourrait s’agir d’une histoire de détective, si Basil était suffisamment malin pour lire tous les signes qui clignotent devant lui, à l'image de son homonyme chez Disney.




Mais on ne peut pas lui en vouloir, car on est un peu comme lui: on sait qu’un truc cloche, mais on n’arrive pas à mettre le doigt dessus. Il faut qu’une lettre arrive sur un plateau et dévoile tout.

On retrouve ici le Collins adepte des documents, des lettres, des extraits de journaux intimes, qui permettent de reconstituer l’histoire de Basil - car la narration à la première personne est parfois insuffisante, interrompue, parsemée de blancs.


Et puis comme d’habitude chez Collins: les personnages valent leur pesant de chocolat au lait relevé d’une pointe de sel. Si Basil est palot (même s’il faut lui reconnaître le mérite de se marier hors de son rang), si sa soeur Clara est encore pire, Margaret est séduisante en belle jeune femme emportée, sensuelle, capricieuse, indéchiffrable. Mr Mannion est très énigmatique et révèle d’un seul coup sa profonde colère intérieure, poursuivant son ennemi tel un Achab (la comparaison s’arrête là). Mais mon personnage préféré est Ralph, le frère de Basil, ce libertin dandy qui s’est frotté à la fange du continent - au contraire de son frère, il est insolent, joyeux, spirituel, jubilatoire.


Et il se pourrait même qu’il y ait une critique sociale sous-jacente dans les parages, avec cette révolte des classes marchandes contre l’aristocratie de l'Angleterre victorienne. Ce n’est pas très clair, la narration étant du côté de l’aristocrate, mais on ne peut s’empêcher de se demander si la colère de Mannion est tout à fait injustifée. Et connaissant le Wilkie Collins de No Name, on peut se dire qu'on tient une piste.


Donc on n’y est pas encore tout à fait , mais malgré tous ses défauts, le Collins qu’on aime est déjà présent dans ce premier roman. Lisez le si, comme moi, vous êtes un grand fan devant l’éternel. Sinon, faites un sort à La Dame en Blanc, Sans Nom, ou Pierre de Lune.



13 commentaires:

  1. ah mais dis moi... ne pas consommer, c'était chose courante à l'époque, non ? Il y a certes une différence entre coucher le premier soir et attendre le 365ème, mais là, ça ne me choque pas.. et puis, tu dis bien qu'il est c.. pardon, innocent ? Donc c... Du coup elle n'en a peut-être pas du tout envie ?

    Et elle, sous sa voilette, elle est peut-être hideuse ?
    Et au final, elle est comment, cette nuit de noces ? Cotonneuse ?

    Sinon j'aime bien la couverture verte, avec la petite fleur blanche très virginale.

    et sinon j'ai bcp aimé Sans nom, même si mes souvenirs sont lointains.

    RépondreSupprimer
  2. J'ai sans difficulté passé l'épreuve des parenthèses. Bon, je ne commencerai pas par le 1er roman de Collins. Peut-être "Pierre de lune" ou "Sans nom" alors...

    RépondreSupprimer
  3. * Amanda, ce n'est pas seulement le fait qu'ils ne consomment pas le mariage: elle continue à vivre chez ses parents, et lui, de son côté. Ils peuvent se voir seulement quelques heures par jour, et toujours avec un chaperon. CA c'est bizarre, et c'est surtout bizarre d'avoir accepté un tel arrangement! Et du coup, comme tu dis, la jeune fille a perdu sa motivation! :)
    Elle est très belle pour ton information, et pour ce qui concerne la nuit de noce, il serait criminel d'en parler ici.

    * La plume et la page, moi j'ai un gros faible pour Sans nom, si ça peut t'aider à te décider. La Dame en Blanc aussi - Pierre de Lune un peu moins.

    RépondreSupprimer
  4. erzébeth au travailmercredi, mars 10, 2010

    (j'ai pas le temps de lire ton billet, hélas, mais alors, les photos de basilic, j'approuve à 1000%. Je n'arrête pas d'applaudir ton retour, mais franchement, ça le mérite !!!)

    RépondreSupprimer
  5. Ah, je vois qu'on a la main verte par ici.
    As-tu songé aux photos (ou du moins dessins car il a mangé l'appareil) du basilic mythologique, cette charmante bestiole qui avait une tête de poulet sur un corps de lézard?

    RépondreSupprimer
  6. Ah les filles, qu'est-ce que vous me faites rigoler!

    * Erzébeth au travail, j'adore ton pseudo, je te trouve trop choute! Et c'est le rouge aux joues que je te dis merci, mais je te confie un petit secret: je m'applaudis aussi d'être revenue - vous m'avez manquée! :))

    * Sib, franchement, qu'est-ce que tu me fais rire ("il a mangé l'appareil")
    En fait, la bestiole ne se traduit pas comme ça en anglais je crois. Mais je t'avoue que j'ai pensé partir dans un délire plante/bestiole/monument religieux.

    RépondreSupprimer
  7. MIOUM! Basilic :)
    Dans un registre moins culinaire, je n'ai pas encore lu ce Collins là mais je le note, bien sûr. Tu es très douée, tu le sais ça? Je note tout ce que tu lis.

    RépondreSupprimer
  8. Je vote pour le logo "Je kiffe le sensationnel"!!! :-D
    Pas lu celui-ci mais Sans nom est un chef-d'oeuvre. Et Pierre de Lune aussi. Et la dame en blanc. Et... Wilkie forever!
    (tu ne participes pas au Wilkie challenge btw ?)

    RépondreSupprimer
  9. Devrais-je jeter un voile pudique sur "Voie sans issue" et retenter Wilkie?
    Au moins, j'adore le billet, et je ne parle même pas des illustrations...

    RépondreSupprimer
  10. * Ofelia, j'ai hâte de savoir ce que tu vas en penser. J'ai comme l'impression que tu seras moins indulgente que moi, mais l'histoire nous le dira.

    * Fashion, Wilkie 4-ever! non je ne me suis toujours pas inscrite! Et pour Dickens non plus. C'est pas un réflexe ces choses là, il faut que j'y pense!

    * Mo, retente Wilkie TOUT DE SUITE!! Tu ne sais pas ce que tu rates! Ecoute tata Céline et tata Fashion: Sans nom et/ou Pierre de Lune et/ou La dame en blanc. Allez, hop hop.

    RépondreSupprimer
  11. J'adore "Basil, détective privé", tu te souviens de la chauve-souris qui crie "Aïe, mon pied, déjà que j'en ai qu'un !" ?
    Hum, pardon.

    Et je suis exactement pile-poil tout pareil qu'Ofelia : je note tout ce que tu lis. Ca commence à faire beaucoup.
    Vivement que je passe au stade supérieur (= lire ce que tu as lu), ça me promet de belles heures de lecture.
    Ouh, tiens, je vais piquer "La dame en blanc" à la personne chez qui je passe le week-end prochain. Quelle merveilleuse idée !

    RépondreSupprimer
  12. * Ah non je me souviens pas de la chauve souris, ça remonte un peu. Mais ça en a deux des papattes, non?
    Chère Erzébeth, je suis heureuse de te corrompre de façon aussi délicieuse. Tu ne veux pas revenir faire pareil? Hmmm? ;)
    Et en parlant de la Dame en Blanc, tu sais que ça fait quelques mois que ton exemplaire fait le tour de toutes mes copines? Tu en fais des heureuses! :)

    RépondreSupprimer
  13. La chauve-souris a perdu une patte, et porte une jambe en bois, en fait. A un moment, elle essaie de capturer la petite fille-souris, qui lui marche sur son pied valide, du coup, la chauve-souris crie ce que j'ai cité plus haut.
    Je fous en l'air ma réputation, là, non ? Mais c'est la faute de Disney, pas la mienne.

    Pour "La dame en blanc", j'en suis ravie !! J'ai moi-même récupéré le bouquin, chic chic, ça va être bien !!

    RépondreSupprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.