
Je suis comme ça moi : je n’aime pas lire de mauvais livres, mais ça ne me dérange pas de regarder des films un peu nuls en sachant que c’est un peu nul, tant que je rigole bien. Après tout, ça prend max deux heures.
Ca commence comme un film d’ados normal: la bande de loosers puceaux férus de comics, qui n’arrivent pas à pécho les filles, et qui évacuent leur frustration dans leurs chaussettes. On est en terrain connu: c’est Superbad, c’est les Beaux gosses, c’est American Pie.
Voyez le genre?
Seulement Dave a une obsession: devenir un superhéros. Et il ne se contente pas d’en fantasmer: il passe commande d’une tenue de plongée sur internet, en fait son costume, et s’attribue un nouveau nom: Kick-Ass. Il décide alors d’aller combattre le crime dans les rues de New York. Mais non seulement il ressemble davantage à un batracien qu’à Spiderman, mais il se heurte contre la dure réalité: au lieu de kicker des ass, il se fait kick-asser. Il réussit tout de même à attirer l’attention, de tout New York certes, mais aussi de super héros un peu plus crédibles que lui: Big Daddy, Hit Girl et Red Mist.
A gauche Big - Nicolas Cage - Daddy, comme l'indiquent les initiales sur le ceinturon. A gauche Hit Girl. (comme l'indiquent les initiales.)(toujours sur le ceinturon, oui oui)
Red Mist et son look d'emo
Kick-Ass propose une réflexion très intéressante sur l’héroïsme. Dave n’est pas doté de super pouvoirs, il n’a pas été piqué par une araignée, il ne maîtrise pas les arts martiaux, il n’a pas de gadgets, il n’a même pas de parents ou de petite amie à venger. Il est normal: pas très beau, pas repoussant non plus, pas brillant, pas demeuré non plus. Il veut juste aider les gens, pas forcément des millions, juste des individus, un à un. Et dans cette modeste volonté de soulager les maux de sa ville, il est extrêmement touchant car il s’accroche à ses principes, même s’il se fait tabasser, même s’il est mort de trouille, même s’il a l’air ridicule dans son costume. On rit de lui, mais on ne peut s’empêcher de l’admirer quand il essaie de retrouver le chat perdu d’une annonce, quand il tente d’empêcher deux caïds de voler une voiture. Si les autres «super héros» du film ressemblent davantage que lui à ceux des comics, par leurs histoires, par leurs gadgets, par leurs techniques de combat, c’est lui le véritable héros du film.
Ce film interroge également le rôle des témoins d’une agression, et nous prend nous spectateurs à partie. Il y a cette scène extraordinaire, où Dave défend un pauvre mec des attaques de trois costauds et où il prend très cher, pendant que des témoins le regardent faire à l’abri d’une vitre, et enregistrent tout sur leurs téléphones. On se dit: il est fou, il va finir déchiqueté. Et c’est exactement la remarque que lui fait un des agresseurs. Dave a cette réplique très forte (je restitue à peu près): «Tu dis que je suis fou, alors que ce mec se fait agresser par vous trois, pendant que tous ces gens regardent sans rien faire? Et c’est moi qui serait fou?» Et là on se rend compte qu’il s’adresse également à nous spectateurs, aussi planqués derrière notre écran.
Kick-Ass réfléchit aussi sur l’importance des médias, d’Internet, des vidéos. Plusieurs scènes de grande violence sont filmées par des personnages, envoyées sur Youtube, et visionnées à grande échelle. Les gens sont devant ces vidéos comme devant un film, la réalité devient fiction, et l’extrême violence ne les choque plus, alors qu’elle est présentée comme réelle. Il y a cette scène incroyable d’une exécution filmée (spéciale dédicace Al Quaida) et reproduite à la télévision en direct : on voit alors la réaction des différents personnages, qui est presque systématiquement un mélange très gênant d’horreur et d’excitation. Et le pire, c’est qu’on se dit que c’est très vrai et très humain.
Kick-Ass se révèle un film de super héros ultra violent, façon Tarantino. Seulement là où une certaine esthétique demeure chez Tarantino, là où on sait que les super héros ne meurent pas dans les comics, ici une certaine laideur persiste, ici on n’est jamais sûr du destin des personnages. Le ridicule des costumes rappelle que Big Daddy, Hit Girl, Kick-Ass, Red Mist ne sont pas des superhéros. Big Daddy a un costume de Batman absurde ; son Robin, Hit Girl, a une perruque synthétique affreuse ; Red Mist ressemble à un membre de Kiss et Kick-Ass.. ben c’est Kick-Ass. Et puis leurs noms ne sont pas des noms, ce sont des blagues. Mais du coup leur ridicule nous rappelle sans cesse à une certaine réalité qui est censée être la nôtre, et l’on ressent d’autant plus la violence des coups assenés. On ne sait jamais trop à quoi s’attendre: on tente de se rassurer en se disant que Dave ne peut pas mourir, puisque c’est lui le narrateur. Mais là encore il s’adresse à nous: «Ne vous tranquillisez pas en pensant que je ne meurs pas, puisque je vous parle. Vous avez déjà vu American Beauty? Sunset Boulevard?» Gloups.
Donc bien sûr que Kick Ass est un film drôle. Le titre ne ment pas complètement. C’est très drôle même, et irrévérencieux. Il y a quelque chose d’assez insolent de voir ces adolescents, ces enfants presque, mêlés à une telle violence. Et la petite fille dit des gros mots aussi.
Mais il y a une noirceur, une dimension tragique, une violence, une émotion indéniables. S’il commence de manière un peu molle, il prend beaucoup de rythme dès l’arrivée des autres super héros, et ne faiblit pas. Je suis restée accrochée à mon fauteuil, complètement terrifiée pour les personnages, et attendant la suite avec impatience.
En parlant de suite, je pense qu’on ne coupera pas à un Kick Ass la vengeance (surtout qu'il y a de quoi venger).
Et au fait, vous avez reconnu qui joue Red Mist?
C'est le mythique Mac Lovin de Superbad! (il y a un group facebook pour ceux que ça intéresse)